Le médiateur régional dans cette crise, l'ex-président tanzanien Benjamin Mkapa, avait invité le gouvernement du Burundi et son opposition à venir discuter jeudi à Arusha, en Tanzanie, des "questions de fond" qui alimentent depuis près de deux ans la crise politique majeure dans ce petit pays des Grands Lacs.
Cette crise, qui a fait plus de 500 morts et poussé plus de 300.000 Burundais à l'exil, avait été déclenchée par la candidature controversée du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat en avril 2015. Ce dernier avait été réélu en juillet de la même année au terme d'un scrutin boycotté par l'opposition.
Mais mercredi soir, le gouvernement burundais a annoncé qu'il ne participerait pas à cette nouvelle tentative de dialogue interburundais.
Bujumbura dénonce en effet la présence parmi les invités "de certains acteurs violents, notamment des putschistes recherchés par la justice (...), ce qui empiète sur la souveraineté du Burundi", selon un texte signé par le porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba.
En mai 2015, une tentative de putsch contre le président Nkurunziza avait échoué et le pouvoir accuse des figures de l'opposition, désormais en exil, d'y avoir pris part.
Le gouvernement burundais s'insurge également contre la présence à Arusha de Jamal Benomar, conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies, "qui a été récusé par le gouvernement du Burundi".
"Par conséquent, le gouvernement du Burundi a décidé de ne pas envoyer de délégués à Arusha dans (cette) session", poursuit Bujumbura.
Le mouvement des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi n'a pas été "surprise" du boycotte du gouvernement de Pierre Nkurunziza. Le porte-parole de ce mouvement, Carine Kaneza Nantulya tire la sonnette d'alarme sur la situation précaire au Burundi. Elle appelle à la sous-région à "changer de méthode" pour mettre fin à la crise dont "les femmes sont souvent victimes".
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'Rien à espérer'
Outre ce nouveau refus de discuter avec son opposition en exil, comme cela avait été le cas en juillet 2016, le gouvernement a ouvert la voie mercredi à une réforme de la Constitution, dont la société civile et l'opposition craignent qu'elle ne vise à lever la limite du nombre de mandats présidentiels.
Le conseil des ministres a ainsi adopté mercredi soir "un projet de décret" sur la création d'une commission chargée d'ici six à huit mois "de proposer le projet d'amendement de la Constitution de la République du Burundi", a annoncé à l'AFP le premier vice-président burundais, Gaston Sindimwo, joint par téléphone.
Le président Nkurunziza a annoncé le 30 décembre 2016 qu'il pourrait à nouveau se représenter en 2020, "si le peuple le demande", suggérant qu'il était prêt à réviser l'actuelle Constitution, dont l'article 96 prévoit que le chef de l'état "est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois".
Plus largement, les détracteurs du régime le soupçonnent de vouloir remettre en cause les dispositions qui prévoient des quotas ethniques entre Hutu (85% de la population) et Tutsi (14%) pour les corps de défense et de sécurité (armée, police et services secrets), les postes électifs et la haute fonction publique.
"Je ne pense pas que ce soit le fruit du hasard si cette décision tombe la veille de cette importante session du dialogue interburundais", a regretté auprès de l'AFP un diplomate sous couvert de l'anonymat.
"Le pouvoir burundais aurait voulu montrer qu'il n'y a rien à espérer de ce processus qu'il ne s'y serait pas pris autrement", a estimé ce diplomate.
Devant l'impasse totale des négociations et face à un régime de plus en plus replié sur lui-même, la communauté internationale - Nations unies en tête - semble impuissante à enrayer le cycle des violences, et ce en dépit des sanctions économiques qui pèsent sur la vie quotidienne des Burundais et sur le budget du gouvernement.
Mercredi, le ministre burundais de l'Intérieur, Pascal Barandagiye, se trouvait en Ouganda pour tenter de convaincre les réfugiés burundais du camp de Nakivale (sud-ouest) de rentrer dans leur pays, assurant que la situation sécuritaire le permettait.
En janvier, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch accusait toutefois des membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi, d'avoir brutalement tué, torturé ou tabassé des dizaines de personnes dans tout le pays les mois précédents.
Avec AFP