Il sera peut-être millionnaire en dollars dans deux ans, avec la vie qui va avec, mais pour l'heure, Jonathan passe la plupart de son temps dans un modeste bâtiment de briques rouges d'Hillside, à étudier et s'entraîner.
En cette veille de Noël, l'entraîneur Chris Chavannes, à la rigueur légendaire, relève quelques absences chez le maillot numéro 1 durant les presque trois heures d'entraînement qu'il a infligées à l'équipe.
"Il vient d'un endroit où il n'y avait pas autant de talent et où ce n'était pas aussi intense, donc il lui faut intégrer nos exigences, physiques et mentales", explique le coach de The Patrick, petite école privée située à 30 km au sud-ouest de New York.
Lire aussi : 17e édition du camp de la NBA à Dakar"Mais il adore le basket, enchaine-t-il. Donc la transition ne sera pas si difficile pour lui."
Pour le reste, ce joueur de 2,03 m à la couronne de cheveux et aux shorts serrés a déjà tout, ou presque. Une charpente, d'abord.
"Physiquement, il a déjà le corps pour jouer en université ou en NBA", confie Al Harrington, parmi les très rares joueurs à avoir réussi la transition directe du lycée à la NBA.
"C'est très rare de voir une telle combinaison, un gars de son gabarit capable de dribbler vite et de se poster" près du panier, analyse Chris Chavannes.
A l'aise balle en main, patient sur jeu placé, le jeune Congolais devient même effrayant sur transition.
Lire aussi : Pose de la première pierre de l’Académie de la NBA en AfriqueSon entraîneur a repéré quelques voies d'amélioration, comme son shoot. "Mais nous n'allons pas nous attribuer le mérite d'avoir fait de +Jon+ ce qu'il est", pondère-t-il. "C'était un joueur fantastique avant même qu'il n'arrive chez nous."
- "Encore un gamin" -
Depuis son arrivée de RDC aux Etats-Unis à 13 ans, Jonathan Kuminga a connu un parcours chaotique, passé par quatre lycées en autant d'années, ce qui ne l'a pas empêché d'acquérir un bagage technique très au-dessus de la moyenne.
Dans le New Jersey, il est entouré par plusieurs membres de sa famille, mais vit loin de ses parents, qu'il n'a plus revus depuis son départ.
"Je suis encore un gamin, donc ils me manquent", dit d'une voix posée celui dont le frère aîné, Joel Ntambwe, évolue en championnat universitaire américain, à Texas Tech.
Le coût du voyage et la question des visas empêchent, pour l'instant, les retrouvailles, ou son intégration en équipe nationale, lui qui n'a encore jamais porté le maillot du Congo en sélection de jeunes.
Le manager de la fédération congolaise, Joe Nkoi, songe à 2021 à l'occasion de l'AfroBasket. "On le suit de près", dit-il, tout en rappelant que l'ailier est encore jeune. "On se laisse le temps".
A Hillside, Jonathan est dans un cocon. Une petite cellule familiale, une école à taille humaine, un staff étoffé, plusieurs autres élèves originaires d'Afrique centrale à ses côtés. De quoi le protéger de l'attention dont il devient progressivement l'objet.
Car depuis l'an dernier, "Jon" est considéré par beaucoup comme le meilleur joueur de la génération qui finira le secondaire en 2021.
"Avec son talent, il pourrait être le numéro un de la draft" NBA, l'an prochain, estime son cousin, le meneur du Utah Jazz, Emmanuel Mudiay.
La ligue nord-américaine n'accepte, pour l'instant, que les joueurs ayant achevé leurs études secondaires depuis un an au minimum. Cette disposition devrait être revue prochainement, mais sans doute pas à temps pour permettre à Jonathan Kuminga de devenir le premier joueur de lycée aux Etats-Unis à passer directement en NBA depuis 15 ans.
Pour contourner la difficulté, il pourrait quitter le lycée dès cette année, puis passer un an dans le basket universitaire, avant d'intégrer la NBA en 2021, à 18 ans.
"Il a tellement les pieds sur terre que cela rend tout très facile pour lui. Il ne se laisse pas distraire", assure son entraîneur.
Pour aider à garder le cap, il y a aussi les anciens de The Patrick, comme Al Harrington ou la star des Brooklyn Nets Kyrie Irving, qui passent parfois à l'entraînement et parlent aux joueurs.
"Nous les étrangers qui venons de loin, arrivons avec un objectif", explique Emmanuel Mudiay, lui-même né en RDC. "Le sien, c'est d'aller en NBA."