Le Kenya divisé sur le film "Rafiki"

La jeune réalisatrice Wanuri Kahiu affiche l’annonce de la présentation de son film Raifiki à Cannes, 8 mai 2018. (Twitter/Wanuri)

Le film kényan Rafiki, présenté à Cannes, marque une première pour le Kenya, où, paradoxalement il a été interdit parce qu'il traite d'un amour entre deux femmes, une décision illustrant le débat provoqué par l'homosexualité dans la majeure partie d'Afrique.

Adapté d'un roman de l'Ougandaise Monica Arac Nyeko, Rafiki ("ami" en kiswahili) raconte l'histoire d'un coup de foudre entre deux jeunes femmes appartenant à des camps politiques opposés.

Le film de la jeune réalisatrice Wanuri Kahiu est la première œuvre du Kenya jamais montrée lors du plus prestigieux festival de cinéma du monde où il sera présenté dans la sélection Un certain Regard.

Mais ce qui aurait pu donner lieu à la célébration d'un vrai succès de son industrie cinématographique, a au contraire placé le Kenya au centre d'une polémique qui lui a valu "le ridicule au niveau international", selon le mot d'un éditorialiste du Standard, un quotidien local, Makau Mutua.

Rafiki a été interdit en raison "de son thème homosexuel et de son but évident de promouvoir le lesbianisme au Kenya, ce qui est illégal et heurte la culture et les valeurs morales du peuple kényan", a jugé la commission de censure, dont le patron, Ezekiel Mutua, se présente comme "un fervent croisé de la morale".

Wanuri Kahiu s'est déclarée "vraiment désolée d'annoncer que notre film Rafiki a été interdit au Kenya".

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"Nous pensons que les adultes kényans sont assez matures et clairvoyants (...) mais leurs droits ont été niés", a ajouté celle qui, apprenant son film avait été sélectionné pour Cannes, avait écrit "Yes we Cannes" sur Twitter, s'attirant la sympathie de nombreux internautes.

Toujours sous le coup des lois datant du colonialisme britannique, l'homosexualité reste illégale au Kenya, même si la Constitution moderne, adoptée par référendum en 2010, sert aujourd'hui de base aux militants qui défendent les droits des homosexuels.

Les articles de loi qui se réfèrent à "des actes contre nature" sont tout particulièrement utilisés contre les minorités sexuelles. "Notre action en justice représente un défi constitutionnel à la légalité de ces lois", déclare Waruguru Gaitho, une avocate de la Commission nationale des droits de l'homme pour les gays et lesbiennes (NGLHRC).

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Les juges saisis par l'ONG ne se sont pas encore prononcés et la menace d'une peine de quatorze ans de prison continue de peser sur les lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres kényans qui seraient surpris par la police ou dénoncés par leur voisinage.

Avec AFP