Quelque 19,6 millions de Kényans vont élire leurs président, gouverneurs, députés, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l'assemblée. Ces élections interviennent 10 ans après celles de 2007 marquées par les pires violences depuis l'accession à l'indépendance en 1963 de cette ancienne colonie britannique.
L'opposition, déjà emmenée par Raila Odinga, avait crié à la fraude à l'annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière, qui avaient fait au moins 1.100 morts, plus de 600.000 déplacés et traumatisé un pays jusque-là réputé stable.
Cette année, la réédition du duel de 2013 a donné lieu à une campagne acrimonieuse. Les invectives l'ont souvent emporté sur les propositions, le président refusant même de débattre à la télévision avec son principal adversaire. Six autres candidats sont en lice, mais ils ne pèsent même pas 1% des voix à eux six, selon les sondages.
Le vote au Kenya se joue plus sur des sentiments d'appartenance ethnique que sur des programmes, et MM. Kenyatta (un Kikuyu) et Odinga (un Luo) ont mis sur pied deux puissantes alliances électorales.
Pour les sondeurs, la présidentielle se jouera sur la capacité des deux camps à mobiliser leurs sympathisants, le tout sous la surveillance de robustes missions d'observation de l'Union africaine et de l'Union européenne notamment.
La campagne s'est déroulée dans un calme relatif jusqu'à ce qu'elle soit ternie dans sa dernière semaine par l'assassinat d'un responsable informatique de la commission électorale. Vendredi, l'opposition a en outre accusé la police d'avoir emporté du matériel informatique lors d'un raid musclé dans un de ses locaux devant abriter un centre parallèle de comptage des voix.
La police kényane a nié toute implication dans ce raid, et l'opposition a assuré que l'incident n'aurait pas de répercussion sur sa capacité à comptabiliser les voix.
Déploiement sécuritaire
Pour la deuxième fois de son histoire, le pays a recours au vote électronique et pour de nombreux observateurs, la crédibilité du scrutin repose sur la fiabilité du système.
Mardi, de 06H00 à 17H00 (03H00 à 14H00 GMT), les électeurs se rendront dans un des quelque 41.000 bureaux de vote où ils feront l'objet d'une reconnaissance biométrique (empreintes digitales). Les résultats de chaque bureau seront transmis par voie électronique à la commission électorale.
En 2013, une partie du système électronique s'était effondré, alimentant les soupçons de fraude à l'annonce de la victoire, dès le premier tour, d'Uhuru Kenyatta, fils du père de l'indépendance Jomo Kenyatta.
Le scrutin va donner lieu au déploiement sans précédent de quelque 180.000 membres des forces de sécurité répartis aux quatre coins de ce pays d'Afrique de l'Est un peu plus grand que la France métropolitaine.
Outre la présidentielle, l'élection des gouverneurs des 47 comtés, fruit d'une décentralisation mise en oeuvre en 2013, pourrait également déboucher sur des troubles localisés.
Comme à chaque élection dans ce pays de plus de 48 millions d'habitants, de nombreux Kényans travaillant dans les grandes villes sont rentrés dans leurs villages pour voter, mais aussi par mesure de précaution. Certains faisaient également des provisions dans les supermarchés.
Rejet des résultats?
A 72 ans, Raila Odinga, candidat de la Nasa (National Super Alliance), une coalition d'opposition regroupant cinq partis, se présente à la présidentielle pour la quatrième et certainement la dernière fois.
Le leader de l'opposition affirme s'être fait voler la victoire en 2007 et il avait rejeté les résultats en 2013 avant que la Cour suprême ne les valide définitivement.
Cette année, l'opposition a opté pour une stratégie consistant à "protéger (ses) voix" et n'a cessé de dénoncer de possibles fraudes en préparation. Le chef de la commission électorale a assuré que le vote électronique, testé avec succès mercredi, ne permettrait pas de telles fraudes.
Le président Kenyatta, 55 ans, et son vice-président William Ruto rejettent les allégations de l'opposition et l'accusent de préparer l'opinion au rejet de leur réélection.
Les deux hommes, débarrassés en cours de mandat des poursuites de crimes contre l'humanité devant la Cour pénale internationale pour les violences de 2007-2008, ont fait campagne sur leur bilan économique.
Depuis 2013, le pays a aligné des taux de croissance à plus de 5% et développé ses infrastructures, dont la nouvelle ligne ferroviaire entre Nairobi et le port de Mombasa sur l'océan Indien.
Cette solide croissance s'est toutefois accompagnée d'une hausse des prix des biens alimentaires, notamment de la farine de maïs, nourrie par une nouvelle sécheresse au début de l'année.
Cette hausse du coût de la vie vient de loin en tête des préoccupations dans les sondages, bien avant la corruption qui a pourtant largement éclaboussé le gouvernement Kenyatta.
Avec AFP