La capitale fédérale prend le plus grand soin de son patrimoine architectural influencé par diverses cultures et époques.
Certains bâtiments célèbres de Washington sont caracterisés par des influences greco-romaines, de l'Égypte ancienne et de l'Europe médiévale jusqu'au modernisme du XXe siècle. La plupart demandent un entretien rigoureux, afin de conserver le cachet de la capitale, dont l’allure sobre et discrète ne ressemble en rien aux mégapoles américaines constellées de gratte-ciels.
Conçu par l'architecte Marcel Breuer du mouvement Bauhaus dans les années 60, le bâtiment Robert C. Weaver, siège du Département du logement et développement urbain (HUD), est inscrit au registre national des lieux historiques malgré son "jeune" âge.
Cet immeuble porte le nom du premier secrétaire au logement, un économiste africain-américain nommé par le président Lyndon Johnson en 1966. Durant son mandat, Weaver a fait adopter une loi anti-discriminatoire historique sur le logement équitable.
"Ce bâtiment a été construit dans les années 1960. C'est l'un de nos bâtiments historiques prééminents. Il a été considéré comme répondant aux normes du département de l'intérieur en 2008", explique à VOA Afrique Hallie Futhermann, cheffe de projet à l'Administration des Services Généraux (GSA).
Il y a quelques années, le bâtiment de cinquante mètres de haut de style brutaliste -mouvement moderniste de constructions minimalistes valorisant le béton- a commencé à poser un problème de sécurité.
"À cette époque, nous avons constaté que certains panneaux de pierre semblaient désalignés. La GSA s'est donc efforcée d'examiner ce qui causait ces problèmes", poursuit Mme Futhermann.
Des plaques de granit de plus de 900 kilos
Des ouvriers spécialisés sont chargés de détacher des centaines de lourds panneaux de granit, de retirer le système d'ancrage métallique usé, de réparer la structure en béton tout en assurant son étanchéité, et enfin, de raccorder ces grandes pierres à un nouveau système d'ancrage en acier inoxydable.
Clarissa Kenney, responsable du contrôle qualité, a dû repenser le système d'ancrage pour s'assurer qu'il puisse supporter ces structures massives et toute charge de vent supplémentaire.
"L'une des difficultés que nous avons rencontrées lors de la réinstallation des panneaux est qu'il y a beaucoup de variations", explique Mme Kenney, précisant que les trous d'encrage des bordures sont tous de tailles différéntes sur la construction d'origine.
Et de souligner qu'il a fallu "personnaliser la conception de l'ancrage pour la plupart des 575 pierres sur chacune des extrémites de la façade"... Auquelles il faut ajouter environ 200 pierres sur chaque colone centrale des quatre extrémités, soit plus de 3000 gigantesques pierres à reinstaller.
Paul Ferenc, surintendant de chantier à The Tradesmen Group, souligne qu'il s'agit de "pierres pouvant peser plus de 180 kilos pour les plus petites, jusqu'à plus de 900 kilos pour celles de grande taille".
Toutefois, ce n'est pas seulement l'affaire de gros bras, mais de passion, car aussi ordinaire puisse-t-il paraître, ce projet implique l'intervention d'ouvriers spécialisés, comme Chance Conway, qui travaille généralement sur des bâtiments beaucoup plus anciens.
" Je fais beaucoup de réparations, du rapieçage de détail, tout ce qui est cassé et doit être réparé", raconte à VOA Afrique M. Conway, avouant apprécier son métier. "C'est super gratifiant, juste de voir quelque chose qui est détérioré, pouvoir le retaper, et savourer la beauté du résultat!"
Un projet long et coûteux
Pour respecter le design initial, les espaces entre les panneaux de granite doivent être identiques quasiment au millimètre près, ce qui exige des ajustements et implique que chaque pierre soit remise dans son emplacement d'origine, à l'aide d'un plan numéroté.
Les équipes peuvent installer entre trois à cinq pierres par jour, jusqu'à dix exceptionnellement. A cause de la survenue de nombreux problèmes sur le premier chantier, la durée de la rénovation pour les quatre extrémités est estimée à environ six ans, pour un bâtiment contruit en moins de quatre ans.
Un projet long et coûteux, a précisé Hallie Futhermann lors de la rénovation du deuxième angle de l'édifice.
"Dans l'ensemble (...) nous dépensons onze millions et quelques, pour trois angles. Mais depuis le début, y compris toutes les études que GSA a fait (...) nous avons dépensé environ vingt millions pour l'extérieur."
Dalton Woorhees et Donny Crosby sont harnachés au 9e niveau de l'échafaudage. Cela fait une bonne heure qu'ils bataillent pour ajuster une pierre angulaire sur la colone centrale au relief complexe. Coincés entre le mur et l'échafaudage, ils tentent de la replacer dans son espace avec le nouveau système d'ancrage, ce qui n'est pas sans difficulté. Et quand ça coince, il faut user de la meule et du marteau.
Kimberly McNeal, assistante de direction à The Tradesmen Group, avance une des raisons de ces difficultés d'ajustement.
"l'un des défi que nous avons rencontrés était d'ignorer l'espace entre les panneaux de granit et le substrat en béton derrière celui-ci jusqu'à ce que tous les panneaux aient été retirés du mur. Il a donc fallu concevoir des ancrages une fois que nous étions prêts à replacer les pierres."
Autre défi, en zone urbaine, les constructeurs sont confrontés au manque d'espace pour installer leurs chantiers.
Rick Freitag, Chef de projet à The Tradesmen Group, a expliqué à VOA Afrique que l'espace réduit du site ne permettait pas de faire circuler des centaines de panneaux de granit volumineux.
"Nous avons conçu sur mesure un échafaudage et une plateforme au-dessus du niveau de la rue pour faciliter le projet", a-t-il précisé au beau milieu de cette minuscule plateforme surélevée, où les ouvriers travaillent coude à coude pour effectuer toutes les opérations nécessaires.
Paul Ferenc relève que dans ce chantier confiné entre la rue et le bâtiment, les possibilités de stockage sont très limitées.
"La coordination est l'un des points les plus importants. Nous devons coordonner avec les gars du parc où les pierres sont stockées, et ils doivent les faire sortir et les ramener en camion remorqueur".
Ensuite, il faut bloquer le trafic autour de l'échafaudage avant de les charger sur le "pont", a-t-il ajouté. Un palan relié à une poulie permet de faire glisser les palques de granite dans un espace réduit entre le mur et l'échafaudage.
L'installation de l'échafaudage de près de 50 mètres de hauteur a duré six semaines. Quant au filet de sécurité de 1.200 m2, il aura fallu mobiliser huit ouvriers pendant deux jours pour le fixer.
Forte présence féminine parmi les cadres
Fait remarquable, la forte présence féminine au sein de cette équipe de cadres du BTP, un domaine habituellement à dominante masculine.
Clarissa Kenney a dit à VOA Afrique avoir remarqué que les femmes sont beaucoup plus présentes dans le secteur de la construction qu'il y a dix ou quinze ans.
"Il n'y a pas si longtemps, j'étais la seule femme à assister à des réunions ; et c'est vraiment un plaisir de voir qu'il y a tant de femmes qui entrent dans le domaine de l'ingénierie et de la construction."
Pour la cheffe de projet Hallie Futtermann, cette équipe mixte présente un bon équilibre. Ayant participé à d'autres projets, elle reconnait que "c'est spécial lorsque vous êtes la seule femme sur un chantier de construction". En particulier "lorsque vous êtes en charge d'une jeune famille", poursuit-elle en avouant "qu'il y a beaucoup d'exigences auxquelles répondre tout en maintenant un calendrier rigoureux".
Mme Futtermann s'est montrée satisfaite "d'avoir des femmes pour ce chantier", non sans espérer "qu'à l'avenir hommes et femmes travailleront ensemble dans de nombreux projets de construction."
Rick Freitag n'a pas manqué de signaler que son entreprise est dirigée par une femme, Melissa West, qui emploie de nombreuses femmes, dont Kimberly McNeal.
"TTG est un business de femme, donc pour nous, ce n'est pas extraordinaire", a relevé Mme McNeal, reconnaissant que "c'est agréable d'effectuer un si bon travail au sein d'une équipe inclusive."
Aux Etats-Unis, 13 % des entreprises de construction appartiennent à des femmes, et elles sont environ 10% à occuper des postes de direction dans l'industrie du BTP. Des chiffres encore faibles mais en très forte progression, selon le Bureau américain des statistiques du travail (BLS).
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