La rébellion du M23 a pris le contrôle d'une ville stratégique dans le conflit qui l'oppose aux forces gouvernementales dans l'est de la République démocratique du Congo, où elle a poursuivi samedi sa conquête de localités voisines.
"Kanyabayonga est entre les mains du M23 depuis hier vendredi soir. C'est une désolation totale, la population est fatiguée", a annoncé samedi à l'AFP un responsable administratif s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
Kigali dément son implication dans le conflit mais la communauté internationale, dont la France et les Etats-Unis, estiment que le Rwanda soutient le M23 et a engagé des forces dans l'est congolais.
Située à une centaine de kilomètres au nord de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu elle-même encerclée par les rebelles soutenus par le Rwanda, Kanyabayonga est considérée comme un verrou contrôlant vers le nord les accès aux villes de Butembo et Beni, fiefs de l'importante tribu Nande et grands centres commerciaux du pays.
La ville compte plus de 60.000 habitants, auxquels se sont ajoutés ces derniers mois des dizaines de milliers de déplacés.
Le M23, actif depuis fin 2021, avait progressé fin mai vers Kanyabayonga, dans le territoire de Lubero, quatrième circonscription du Nord-Kivu vers lequel la rébellion avance ses pions (après ceux de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi), en plus de ses velléités d'avancée vers le sud, vers la province du Sud-Kivu.
- "fuir jusqu'où?"-
"La population est là (à Kanyabayonga), surtout celle qui s'est déplacée du territoire de Rutshuru vers Lubero", a déclaré le responsable administratif. "Ils n'ont plus nulle part où aller".
Un habitant a dit à l'AFP que le M23 avait demandé aux habitants de rester à Kanyabayonga lors d'une réunion samedi dans le centre de la ville animée par un porte-parole de la rébellion, Willy Ngoma.
"Ils vont arriver jusqu'à Kinshasa, nous allons continuer à fuir jusqu'où ?", s'est interrogé cet habitant sous le couvert de l'anonymat, ajoutant que les rebelles leur "promettent la paix".
"Il y a un afflux de déplacés en provenance de Miriki, Kirumba et Luofu vers le nord. C'est une situation qui nous inquiète", a commenté le colonel Alain Kiwewa, administrateur militaire du territoire de Lubero.
Le M23 a également pris le contrôle d'une ville voisine, située à environ 17 kilomètres au nord de Kanyabayonga.
"Kayna est sous le contrôle du M23", a indiqué à l'AFP un responsable administratif, précisant qu'un homme a été tué lorsqu'un obus est tombé sur sa maison.
Une journaliste a déclaré à l'AFP avoir vu quatre cadavres dans la ville, deux militaires et deux civils.
Lors d'une réunion samedi, les rebelles ont déclaré aux habitants de Kayna qu'ils étaient venus dans la ville pour assurer leur sécurité, a déclaré un responsable de la société civile.
- "psychose"-
La ville de Kayna a été le théâtre de combats pendant la nuit, un leader de la jeunesse affirmant que ceux qui étaient venus de Kanyabayonga dans la ville "ont passé la nuit à la belle étoile".
"Toute la nuit, des tirs ont retenti", a-t-il déclaré. "On ne sait plus à quel saint se vouer", a-t-il ajouté.
Le village de Luofu, situé à environ 18 kilomètres de Kanyabayonga, est également sous le contrôle des rebelles. "Luofu est sous le contrôle du M23", a déclaré par téléphone à l'AFP une source sécuritaire qui a souhaité rester anonyme, ajoutant que le village compte plus de 5.000 foyers.
Les combats s'étaient intensifiés vendredi entre les forces gouvernementales et les rebelles du M23 (pour "Mouvement du 23 mars") dans le secteur de Kanyabayonga, située sur le front nord du conflit.
A Kirumba, la deuxième plus grande agglomération située à 25 km de Kanyabayonga, "la population est dans la psychose. Les militaires sont en train de partir. Nous, on ne va plus bouger, nous irons jusqu'où? On ne sait plus où aller", a dit à l'AFP un responsable de la société civile.
Les affrontements "provoquent le déplacement de civils", a indiqué vendredi le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme dans son rapport mensuel.
"Les organisations humanitaires apportant leur soutien aux déplacés ont suspendu leurs opérations pour des raisons de sécurité", souligne le rapport.