Au-delà des commentaires enthousiastes dans la presse marocaine, Mohammed VI a lui-même salué dans un communiqué officiel la tenue de "cet entretien chaleureux", "empreint de franchise et de bonne entente".
Ce développement est prometteur de "relations fortes, pérennes et stables", pour dépasser "l'état qui caractérisait les relations bilatérales durant des décennies", a-t-il ajouté.
Ces relations entre les deux pays, situés aux deux extrêmes du continent, se sont dégradées en 2004, date à laquelle Pretoria a établi des relations diplomatiques avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée deux décennies plus tôt par le mouvement indépendantiste Polisario.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est en grande partie sous contrôle de Rabat, qui considère ce vaste territoire désertique comme partie intégrante du royaume.
A Abidjan, lors du sommet Union africaine-Union européenne de fin novembre, le roi et le président sud-africain ont toutefois décidé de "travailler ensemble, main dans la main, pour se projeter dans un avenir prometteur", selon le communiqué officiel marocain. Il a ainsi été décidé de nommer des "ambassadeurs de haut niveau à Rabat comme à Pretoria", selon la même source.
Offensive stratégique
Côté sud-africain, la rencontre n'a pas suscité le même emballement, le ministère des Affaires étrangères se contentant de rappeler que "les liens diplomatiques n'avaient jamais été rompus".
"Le Maroc est une nation africaine et nous devons avoir une relation avec eux", "même si nous avons des divergences sur la question du Sahara occidental", a convenu Jacob Zuma dans une interview à un hebdomadaire sud-africain.
Sur la question sahraouie, Rabat mène depuis plusieurs mois une offensive diplomatique tous azimuts visant à rallier à sa proposition d'autonomie les pays africains qui, jusque-là, soutenaient les rêves d'indépendance du Polisario.
Le Maroc a ainsi réintégré l'UA en janvier 2017 et renoué avec des pays d'Afrique anglophone avec lesquels les relations étaient distantes. Sa stratégie: la "diplomatie des contrats" et la défense de la "coopération sud-sud".
En ligne avec les alliances nées des guerres d'indépendance, de la guerre froide et de la lutte anti-apartheid, Pretoria, comme Alger, est jusqu'à ce jour restée un appui historique du mouvement indépendantiste sahraoui.
"La realpolitik sud-africaine a compris que le continent était en plein changement et que la thèse séparatiste n'avait plus le vent en poupe", estime néanmoins l'universitaire marocain Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques.
Le retour du Maroc au sein de l'UA a "changé les positions de quelques membres (...). cela a potentiellement modifié la perception de l'Afrique du Sud dans (...) ses relations avec le Maroc", poursuit Ryan Cummings, directeur de l'institut sud-africain Signal Risk.
Cet expert remarque que "le Maroc met beaucoup d'argent dans l'UA". "Cela pourrait pousser certains membres dans une position un petit peu plus encline à la conciliation".
Premiers investisseurs africains
Au-delà de l'instance, le royaume marocain est surtout devenu ces dernières années le deuxième investisseur africain sur le continent derrière... l'Afrique du Sud.
Il s'appuie pour cela sur les fleurons de son économie dans la banque, l'assurance, les télécommunications ou l'industrie.
Jusqu'en 2016, Rabat ciblait essentiellement les pays francophones d'Afrique de l'ouest, sa sphère naturelle d'influence.
Mais il a depuis élargi son action à tout le continent, démarche qui pourrait inciter Pretoria à prêter davantage attention à ses relations avec le royaume.
Lors de visites inédites de Mohammed VI en Afrique anglophone, de très nombreux accords ont été signés, dont le plus emblématique est celui du gazoduc devant relier le Nigeria au Maroc.
Mais pour faire basculer la tendance à Pretoria, "il va falloir du temps (...), convaincre certains poches de résistance au sein de l'ANC" --le Congrès national africain, au pouvoir--, juge M. Benhammou.
Le parti a d'ailleurs précisé son point de vue sur le Sahara occidental après la rencontre d'Abidjan, qui n'a "pas changé", "à savoir un soutien inconditionnel au droit (...) à l'autodétermination".
Avec AFP