Le Mozambique, encore hanté par les démons de la guerre civile

Patrouille de l'armée mozambicaine à Palma, Cabo Delgado.

La plupart ont rendu les armes, cette guerre-là est bien terminée. Mais pour les quelque 5.000 ex rebelles du Mozambique, qui ont longtemps combattu le pouvoir après l'indépendance il y a près de 50 ans, l'avenir après la brousse reste incertain.


Aurelio Capece Mudiu contemple les montagnes du Gorongosa (centre), fief historique des combattants de la Renamo, le regard humide et le visage buriné par 40 années "là-haut", dans les bases de la rébellion.

"C'est difficile de vivre seul, une personne qui n'a rien, sans sa famille, loin...", confie le combattant démobilisé dans le cadre du processus de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) lancé par le gouvernement il y a deux ans.

Le Mozambique a traversé une guerre civile qui a duré quinze ans après le départ du colon portugais en 1975. Le conflit entre la Renamo, soutenue par l'Afrique du Sud sous apartheid et la Rhodésie sous domination blanche voisines ainsi que par les Etats-Unis, et le parti au pouvoir encore aujourd'hui, le Frelimo, soutenu par les Soviétiques dans un contexte de Guerre froide, a fait près d'un million de morts.

Après un accord de paix en 1992, la Renamo est devenue un parti politique mais n'a jamais remporté d'élection nationale. En 2013, les rebelles ont repris les armes, jusqu'à un nouvel accord en 2019.

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Aujourd'hui, au pied des montagnes, les carcasses de pickups brûlés sont mangés par les herbes hautes, comme des vestiges d'un autre temps. La plupart des rebelles ne sont plus en état de combattre, la moyenne d'âge est de 55 ans.

Le long des pistes, le drapeau rouge du Frelimo et celui tricolore de la Renamo se disputent encore les places des villages mais l'hypothèse de nouveaux affrontements est définitivement écartée.

"Il n'y a personne à la Renamo qui ne veut pas la paix", assure à l'AFP Antonio Muchanga, député du Renamo.

Les violences font désormais rage ailleurs, à un millier de km au nord. La province du Cabo Delgado est ravagée depuis 2017 par des attaques jihadistes.

- Armes de chasse -

Selon les données officielles, 63% des combattants de la Renamo ont rendu les armes et la plupart des bases rebelles sont fermées. Mais selon une source humanitaire, "les combattants ont surtout restitué des vieilles armes de chasse". Et des rebelles campent encore dans les montagnes.

"Certains ont eu des enfants et sont morts ici sans avoir eu le temps de les revoir. Je veux dire aux autres, qui sont encore là-haut, de nous rejoindre", relève Aurelio, d'une voix éraillée.

Chaque combattant démobilisé a reçu une aide équivalente à 2.000 dollars pour la réintégration. Comme la plupart d'entre eux, Aurelio a rapidement dépensé son pécule et attend désormais le versement d'une retraite, promise dans l'accord de paix.

"Si le gouvernement me donne de l'argent, je ferai de mon mieux pour aider ma famille, construire une maison (...) Mais le gouvernement ne nous a toujours rien donné. Les aides sont épuisées et nous attendons à la maison, sans rien", peste-t-il.

Selon Zenaida Machado, de l'ONG Human Rights Watch, les aides ne suffisent pas. "Il faut aussi leur fournir les outils nécessaires pour s'intégrer aux communautés et leur permettre d'être autosuffisants".

Un texte doit être voté d'ici la fin de l'année mais le problème est financier, selon Mirko Manzoni, représentant des Nations unies au Mozambique qui a participé à l'élaboration du dernier accord de paix.

"L'Etat mozambicain a un budget limité et des besoins énormes. Pèse en plus une hypothèque constante, les retraites des combattants, qui représentent 300 millions d'euros par an sur un budget de six milliards" explique-t-il, rappelant que "la majorité des Mozambicains n'ont pas de retraite".