Symboliquement côte à côte toute l'après-midi, "le commandeur des Croyants" et le chef des 1,3 milliards de catholiques ont tous deux défendu la coexistence pacifique entre les religions et condamné toute forme d'extrémisme.
Jérusalem doit demeurer un "lieu de rencontre et un symbole de coexistence pacifique, où se cultivent le respect réciproque et le dialogue", est-il écrit dans le document commun signé par le roi du Maroc et le pape François dans la salle du Trône du palais royal.
Le texte appelle également à "garantir la liberté d'accès aux fidèles des trois religions monothéistes et le droit de chacune d'y exercer son propre culte" à Jérusalem.
Objet de tensions perpétuelles, le statut de Jérusalem est une question épineuse au coeur du conflit israélo-palestinien. Israël considère toute la ville comme sa capitale, alors que les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé et annexé par Israël, la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
Le roi du Maroc préside le "Comité Al-Qods" (Jérusalem en arabe), créé par l'Organisation de la coopération islamique pour oeuvrer à la préservation du patrimoine religieux, culturel et urbanistique de la Ville sainte.
Arrivé en début d'après-midi à Rabat sous une pluie battante, le pape François a défendu "la liberté de conscience", lors d'un discours sur une grande esplanade.
"La liberté de conscience et la liberté religieuse", qui doivent permettre à chacun de vivre selon sa conviction religieuse, "sont inséparablement liées à la dignité humaine", a affirmé le pape argentin en appelant les croyants à "vivre en frères".
- "Le mélange est possible" -
Sur cette esplanade bordée par un mausolée et une mosquée, le roi a pour sa part souligné que "les radicalismes, qu'ils soient ou non religieux, reposent sur la non-connaissance de l'autre, l'ignorance de l'autre, l'ignorance tout court", appelant à lutter contre le radicalisme par "l'éducation".
"Ce que tous les terroristes ont en commun n'est pas la religion, c'est précisément l'ignorance de la religion. Il est temps que la religion ne soit plus un alibi pour ces ignorants", a-t-il ajouté en parlant tour à tour arabe, espagnol, anglais et français dans son discours.
Une foule d'environ 12.000 personnes, selon les autorités marocaines, avait attendu les deux hommes pendant plus de trois heures, s'abritant tant bien que mal de la pluie sous les coussins des chaises ou sous des sacs poubelles pour les plus prévoyants.
"C'est une grâce d'être là", a confié à l'AFP Monique, une étudiante guinéenne de 22 ans venue en bus de Fes (centre) avec ses camarades. Peu importe si elle ne parle ni italien ni arabe, langue des discours officiels, "elle ira voir plus tard sur le web".
La visite du pape "montre que nous vivons tous ensemble, que le mélange des cultures et des religions est possible", a pour sa part assuré Lawson Pascal, un Ivoirien de 23 ans, venu de Casablanca (ouest).
Avant d'arriver sur le site de cette ancienne mosquée du 12e siècle, le pape et le roi avaient parcouru plusieurs kilomètres en cortèges parfaitement parallèles. Le pape, 82 ans, en papamobile, protégé de la pluie, le roi, 55 ans, sous la capuche de sa jellaba jaune clair, debout dans une limousine décapotable.
- "Des voix s'élèvent" -
Après un tête-à-tête au palais royal, Mohammed VI et le pape se sont rendus à l'Institut de formation des imams qui accueille Marocains et étrangers d'une dizaine de pays, dont la France.
A l'Institut, ils ont écouté les témoignages de deux étudiants. Abouakar Midouche, un Français de 25 ans, a décidé de devenir imam après les attentats à Paris en 2015: "j'ai pris conscience qu'il fallait que des voix s'élèvent et que des hommes s'engagent contre cette idéologie de la mort", a-t-il dit devant un amphithéâtre d'étudiants.
Ils sont 1.300, hommes et femmes, à suivre des cursus de deux ou trois ans dans cet institut, fer de lance de "l'islam modéré" prôné par le roi.
En fin de journée, François a rencontré des migrants dans un local de l'organisation catholique humanitaire Caritas, devant un tout petit groupe comprenant de jeunes enfants.
"Toute personne a droit à un avenir", a-t-il plaidé en remerciant les animateurs de Caritas qui gèrent trois centres d'accueil de migrants au Maroc, devenu une des principales routes de transit vers l'Europe depuis la fermeture de la voie via la Libye.
"Les formes d'expulsion collective ne doivent pas être acceptées" et "les parcours de régularisation extraordinaire doivent être encouragés", a-t-il dit.
Revendiquant une politique migratoire "humaniste", le Maroc a mené deux campagnes de régularisation depuis 2014, attribuant des titres de séjour à quelque 50.000 clandestins.
Les autorités rejettent régulièrement les critiques des défenseurs des droits humains qui dénoncent des "campagnes massives d'arrestations" menées ces derniers mois dans le nord du Maroc pour déplacer les migrants vers le sud du pays.