Alors que cinq présidents d'Afrique de l'Ouest sont à Bamako pour tenter de désamorcer une crise politique qui perdure au Mali, c’est ironiquement un homme qui n'a jamais occupé de poste électif qui semble détenir les clés du dénouement.
Il s’agit de l’imam Mahmoud Dicko, un prédicateur connu pour son érudition coranique et son conservatisme social, aligné aux tendances saoudiennes. Il est considéré par comme la force galvanisante derrière le mouvement de protestation qui menace désormais la survie politique du président Ibrahim Boubacar Keita.
Lors du premier rassemblement massif qui avait eu lieu dans la capitale malienne, le 5 juin, l’imam Dicko, 66 ans, s'est présenté à la tribune en arborant sa marque de nationalisme imprégné de religion.
"Cette grande nation du Mali, bâtisseur d'empires et de royaumes, n'est pas un peuple soumis", avait déclaré le prédicateur devant une foule composée principalement de jeunes. "Nous sommes un peuple fier", avait-il ajouté.
Lire aussi : Les leaders ouest-africains convergent sur BamakoPartisans et adversaires reconnaissent que c’est l’imam qui a su fédérer la coalition hétéroclite qui tient tête au président IBK, élu en 2013.
Elle est composée de groupements religieux, politiques et de la société civile.
Dans le sillage du président, cependant, certains sont quelque peu soulagés que ce soit l’imam et non un homme politique, qui galvanise la contestation. Car contrairement à d'autres, Mahmoud Dicko n'a pas explicitement demandé la démission du chef de l’État, celui-là même qu'il avait soutenu lors de l'élection de 2013.
L’imam devrait rencontrer jeudi les dirigeants du Nigeria, de la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Ghana et du Niger venus calmer la situation dans un pays déjà en proie aux attaques des insurgés liés à Al-Qaïda et à l'État islamique.
L'influence de Mahmoud Dicko dérange certains au Mali, pays qui est musulman à 95% mais qui a une constitution laïque. C’est aussi le cas en France, où certains commentateurs l'ont comparé au défunt ayatollah iranien Ruhollah Khomeini.
L’imam a fait ses études en Mauritanie et en Arabie Saoudite dans les années 1970.
En 2009 il se hisse à la tête du Haut conseil islamique du Mali en 2009, plateforme qui lui permet d’influencer la trajectoire des lois qui touchent aux thèmes sociaux tels que la dynamique entre hommes et femmes.
Mais pour Mohamed Kimbiri, membre du Haut conseil islamique, l’imam Dicko ne remet pas en cause la laïcité de l'Etat ; il souhaite plutôt une version de la laïcité moins rigide et qui tient compte du fait que la population est musulmane par une écrasante majorité.
"Aujourd'hui, lui seul peut commander le navire malien", a déclaré M. Kimbiri à Reuters. "Les politiciens se sont disqualifiés, et le public malien est désormais tourné vers les chefs religieux".
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