Le Parlement européen approuve l'accord commercial entre l'UE et le Canada

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau se prépare à donner une conférence de presse, à Bruxelles, le 30 octobre 2016.

Malgré de vives contestations, le Parlement européen s'est prononcé mercredi en faveur du CETA, le tumultueux accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.

Avec ce vote favorable, une grande partie du texte devrait très prochainement être appliquée de manière provisoire, le temps qu'il soit ratifié par l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l'UE, ce qui prendra des années.

Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont été 408 à se prononcer en faveur du texte, 254 à voter contre et 33 à s'abstenir.

Dans le même temps, environ 700 opposants au CETA, selon la police, manifestaient dans Strasbourg jusqu'au Parlement européen. Plusieurs dizaines d'autres ont bloqué l'entrée du bâtiment dès le matin.

"Dire oui au CETA, c'est piétiner le peuple", clamait une banderole, tandis que d'autres affirmaient "Démanteler la démocratie? Hors de question!".

Les adversaires du CETA le jugent anti-démocratique, trop favorable aux multinationales, léger sur l'environnement ou encore dangereux pour l'agriculture européenne.

"En ces temps d'incertitude, avec un protectionnisme croissant à travers le monde, le CETA souligne notre ferme engagement en faveur d'un commerce durable", leur a répondu la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, à l'issue du vote.

"Rien dans cet accord" n'affectera "la sûreté de la nourriture que nous mangeons ou des produits que nous achetons", ni n'entraînera "la privatisation" des services publics, avait-elle assuré un peu plus tôt aux eurodéputés, au cours d'un débat de trois heures, parfois houleux.

Le Premier ministre libéral canadien Justin Trudeau doit, lui, s'exprimer dans l'hémicycle jeudi pour souligner "le caractère singulièrement progressiste de l'accord", un "exemple pour les futurs accords commerciaux", selon son cabinet.

"Les échanges intenses sur le CETA (...) témoignent du caractère démocratique de la prise de décision en Europe", a pour sa part insisté le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Le texte - appelé Accord économique et commercial global (AECG, en anglais CETA) - supprimera 99% des droits de douane. Mais il prône également la coopération en matière sociale, sanitaire et environnementale.

L'accord était soutenu par les eurodéputés de droite, ainsi que les libéraux et la plupart des socialistes.

Ce vote fait "primer la défense des intérêts européens sur les fantasmes", se sont réjoui les Français Tokia Saïfi et Franck Proust, membres du groupe du Parti populaire européen (PPE, droite), le plus important du Parlement.

Les Verts, l'extrême gauche, l'extrême droite et certains socialistes ont voté contre.

Le groupe Socialistes et démocrates (le deuxième du Parlement) a été particulièrement divisé sur ce texte.

Son président, l'Italien Gianni Pittella, y était favorable "à titre personnel", mais la délégation française, par exemple, a fustigé "une menace directe pour l'emploi", qui "n'intègre pas l'urgence climatique et environnementale, ni le principe de précaution".

'Traité scélérat'

Les écologistes sont tout aussi sévères, à l'image du Français Yannick Jadot qui voit dans le CETA "l'aboutissement d'un processus de dérégulation, de privatisation de la norme".

"Nous sommes dans un moment trop précieux, trop rare de notre Histoire, pour ne pas regarder ce qui explique les Brexit, les Trump", a-t-il observé.

Pour la présidente du Front national (extrême droite, France), Marine Le Pen, le CETA est "un traité scélérat" qui détruira "des milliers d'emplois", après avoir été "soigneusement caché à tous les citoyens".

Parmi les principales cibles des critiques, les tribunaux arbitraux amenés à être mis en place une fois que le traité aura été définitivement approuvé.

Ces juridictions pourront être saisies par une entreprise afin de demander réparation à un Etat ayant pris une réglementation contraire à ses intérêts.

Le Parlement de la région belge de Wallonie s'en était vivement inquiété en octobre 2016, entraînant une mini-crise diplomatique avec le Canada.

Au final, la signature formelle du traité par Bruxelles et Ottawa avait été retardée de quelques jours.

Avec l'approbation du Parlement européen, un long et incertain processus de ratification du CETA s'ouvre désormais dans l'ensemble des pays de l'UE.

"Les Parlements nationaux (...) doivent rejeter le traité", a déjà lancé Karine Jacquemart, de l'ONG Foodwatch, qui juge "le CETA est tout aussi mauvais que le Tafta" ou TTIP, l'accord de libre-échange négocié par l'UE avec les Etats-Unis.

Encore plus contesté, cet accord a d'ores et déjà été gelé avec l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche.

Avec AFP