Les candidats aux législatives, dont la plupart sont loyaux au roi Mswati III, se présentaient à titre personnel et non sous l'étiquette d'un parti. Même si les formations politiques ne sont plus interdites depuis 2005, elles ne sont toujours pas autorisées à participer aux élections.
Dans ce contexte, plusieurs partis de l'eSwatini (ex-Swaziland) avaient appelé les électeurs à bouder les bureaux de vote, qui ont fermé vendredi à 19H00 (17H00 GMT) après une journée calme.
Les élections sont "truquées" par le roi, a affirmé le parti Pudemo, qualifié par les autorités d'organisation terroriste.
Ce scrutin "n'est rien que de la poudre aux yeux", a estimé de son côté le Parti communiste. "Les partis politiques ne peuvent pas participer aux élections, ce à quoi il faut ajouter la censure des médias et le manque de liberté pour les réunions publiques. La mainmise de la monarchie est omniprésente", a-t-il dénoncé.
Lire aussi : Au royaume de l'eSwatini, des élections parlementaires sans parti en liceUn électeur qui a requis l'anonymat confirme. "Le Parlement peut discuter de quoi bon lui semble, mais au final il y a seulement un patron", le roi Mswati III, regrette-t-il auprès de l'AFP dans la circonscription de Lobamba Lomdzala (centre).
Un de ses concitoyens, Themba Khumalo, ancien dirigeant dans une entreprise de télécommunications, défend lui le système. "J'ai voyagé dans le monde entier et il y a plusieurs types de démocratie. Pourquoi ne peut-on pas avoir le nôtre ?", lance-t-il.
Il s'agit d'une "démocratie monarchique", estime la vice-présidente de la commission électorale Pholile Dlamini, interrogée par l'AFP.
- 'Scrutin unique' -
"Les élections dans l'eSwatini sont uniques", concède-t-elle. "Vous êtes choisis par votre communauté en raison de votre mérite individuel et non de votre affiliation. Le pouvoir est entre les mains du peuple."
Dans la réalité pourtant, le Parlement et le gouvernement sont aux ordres du roi Mswati III, au pouvoir depuis 1986.
La chambre basse composée de 69 membres - 59 élus et 10 nommés par le roi - ne peut pas adopter de loi qui n'aurait pas reçu le blanc-seing du monarque.
Lire aussi : Plainte contre la débaptisation du Swaziland en eSwatiniMswati III contrôle également l'exécutif et le judiciaire: il nomme le Premier ministre, son gouvernement et les juges qu'il peut démettre à sa guise.
Preuve de son omnipotence, il a rebaptisé unilatéralement cette année son pays eSwatini ("terre des Swazis", en langue swati).
"Le roi a toute autorité, basée sur la présomption qu'il est le plus sage d'entre nous", résume Bheki Makhubu, rédacteur en chef du mensuel The Nation. "Le gouvernement ne tolère aucune dissidence", ajoute-t-il.
Le journaliste est bien placé pour en parler. Il a passé quinze mois derrière les barreaux en 2014-2015 pour avoir publié des articles critiquant le gouvernement et le système judiciaire du pays.
Amnesty International a appelé vendredi le prochain gouvernement de l'eSwatini "à mettre fin aux violations des droits de l'Homme qui entachent le pays depuis quatre décennies".
- 'Pauvreté généralisée' -
Mercredi encore, la police a dispersé à coups de canons à eau des centaines de personnes qui défilaient à Manzini (centre) pour dénoncer le coût de la vie et la corruption du régime.
"Les principales causes du mécontentement" dans le pays "sont la mauvaise gestion fiscale, les dépenses privées du roi et la pauvreté généralisée", a estimé Michael Jones, un analyste du cabinet Fitch basé à Londres.
Les deux-tiers de la population de l'eSwatini, petit royaume vallonné enclavé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique, vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que le roi dispose d'une fortune personnelle estimée à 50 millions de dollars.
Mswati III, 50 ans et marié quinze fois, notamment avec de jeunes vierges choisies lors de la fête traditionnelle des roseaux, est régulièrement mis en cause pour son train de vie dispendieux, lui qui possède jets privés et palaces.
Avec les législatives de vendredi, des électeurs veulent pourtant espérer une amélioration de leurs conditions de vie.
"Les problèmes sont l'emploi, les routes et les colis alimentaires peu généreux pour les plus âgés", a expliqué une électrice, Zodwa Mabuza.
La campagne électorale a été très discrète: pas de gros meetings et de rares posters seulement de candidats aux principaux carrefours de la capitale Mbabane.
Les premiers résultats des élections sont attendus samedi.
Avec AFP