Le Parlement ougandais a voté mardi soir, lors d'une séance agitée, une loi prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles.
Les députés ont considérablement amendé le texte initial qui prévoyait jusqu'à 10 ans de prison pour toute personne se livrant à des actes homosexuels ou se revendiquant comme LGBTQ+, dans un pays où l'homosexualité était déjà illégale. L'étendue des nouvelles peines prévues par la loi n'était pas connue dans l'immédiat.
"Le pire au monde"
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, a appelé mercredi M. Museveni à ne pas promulguer le texte. "Le vote de ce texte discriminatoire probablement le pire au monde en son genre est un développement profondément troublant", a-t-il estimé dans un communiqué.
"Si elle est promulguée par le président, (cette loi) fera des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels, des criminels en Ouganda par le simple fait d'exister . Cela pourrait donner carte blanche à la violation systématique de presque tous leurs droits humains", a-t-il ajouté.
"Cette loi ambiguë, vaguement formulée, criminalise même ceux qui +font la promotion+ de l'homosexualité", a souligné dans un communiqué Tigere Chagutah, le directeur d'Amnesty pour l'Afrique de l'Est et du Sud.
Fox Odoi-Oywelowo, un élu du Mouvement de résistance nationale, le parti du président Museveni, a pris position contre le texte. Le député a dit à l'AFP que selon la version finale de la législation, les contrevenants risquent une peine de prison à vie ou même la peine de mort pour des délits "aggravés".
Amnesty a estimé que M. Museveni devait "urgemment mettre un veto à cette loi consternante", ajoutant qu'elle "institutionaliserait la discrimination, la haine et les préjugés" contre la communauté LGBTQ+.
Sida
Dans un tweet, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a aussi dénoncé l'adoption de la loi. "Nous appelons fermement le gouvernement d'Ouganda à reconsidérer la mise en oeuvre de cette loi", a affirmé le secrétaire d'Etat américain. Elle met "en cause les droits fondamentaux de tous les Ougandais" et "pourrait affecter la lutte contre le sida", a-t-il ajouté.
Le ministre britannique chargé de l'Afrique, Andrew Mitchell, s'est aussi dit "profondément déçu" de l'adoption du projet, l'envoyé spécial du Premier ministre Rishi Sunak pour les droits des LGBTQ, Nicholas Herbert, avertissant du risque de voir augmenter "la discrimination et la persécution des personnes en Ouganda".
"Alors que de nombreux pays, dont un certain nombre sur le continent africain, s'orientent vers la dépénalisation, il s'agit d'un pas profondément troublant dans la direction opposée", a déclaré Nicholas Herbert sur Twitter.
Les débats au Parlement ont été émaillés de paroles homophobes, M. Museveni lui-même ayant fait référence la semaine dernière aux homosexuels comme à des personnes "déviantes". Toutefois, le dirigeant de 78 ans a souvent estimé que le sujet n'était pas une priorité à ses yeux et qu'il préférait conserver de bonnes relations avec ses donateurs occidentaux et les investisseurs.
L'Ouganda a une stricte législation anti-homosexualité un héritage des lois coloniales mais depuis l'indépendance du Royaume-Uni en 1962, il n'y a eu aucune poursuite pour des actes homosexuels consentis. L'intolérance à l'homosexualité est courante en Ouganda où l'adoption du texte a été saluée par certains.
"Nous sommes très heureux comme citoyens de l'Ouganda. Culturellement nous n'acceptons pas... l'homosexualité, le lesbianisme, les LGBTQ. Nous ne pouvons pas", a dit à l'AFP Abdu Mukasa, un habitant de 54 ans. "Nous avons été créés par Dieu. Dieu a créé l'homme et la femme. Et on ne peut accepter qu'un sexe aille avec le même sexe", a-t-il ajouté. En 2014, un tribunal ougandais avait bloqué un projet de loi, approuvé par les députés et signé par le président Museveni, pour punir les relations homosexuelles de prison à vie.
Ce texte avait suscité un tollé au-delà des frontières ougandaises, certains pays riches ayant suspendu leur aide après sa présentation au parlement. La semaine dernière, la police a annoncé l'arrestation de six hommes pour "pratique de l'homosexualité" à Jinja (sud). Six autres hommes ont été interpellés sur la même accusation dimanche, selon la police.