Menacé de sanctions, Mahamat Idriss Deby fustige des responsables américains

Le général Mahamat Idriss Deby Itno, président du Conseil militaire de transition, pendant une réunion avec le premier ministre soudanais à Khartoum, le 29 août 2021.

"Le Tchad est un pays souverain; ce n'est pas un sénateur qui ne sait même pas placer le Tchad sur une carte (...) qui va nous dire quoi faire de notre pays".

Les autorités du Tchad se sont offusquées des déclarations faites par des responsables américains concernant la manière dont la transition est gérée dans ce pays d'Afrique centrale.

"Que les gens sachent qu’on est en 2022. Le temps des petits fonctionnaires travaillant dans des ambassades qui viennent donner des leçons et des orientations aux chefs d'État africains est révolu", a déclaré le général Mahamat Idriss Deby, chef du Conseil militaire de transition (CMT), l'instance qui dirige le pays depuis la mort au combat du président Idriss Deby Itno, son père, en avril 2021.

A l'origine, c'est une déclaration d'Ellen Thorburn, Chargée d’affaires à l'ambassade des États-Unis à N'Djamena, qui irrite les autorités tchadiennes.

La diplomate avait déjà appelé le CMT à honorer la promesse faite par les militaires, à savoir qu'ils n'allaient pas se présenter aux prochaines élections. Une déclaration qualifiée d’inopportune par Jean Bernard Padaré, porte-parole du MPS, l’ancien parti au pouvoir, pour qui elle s’apparente à une ingérence inacceptable.

Des sanctions en perspective

Viennent ensuite des propos du sénateur démocrate Bob Menendez, chef de la commission sénatoriale des affaires étrangères. Lors d'une audience le mardi 12 juillet, l'élu du New Jersey a accusé la junte tchadienne d'avoir "tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques".

Séance tenante, il a dit avoir introduit la veille un projet de loi visant à garantir une "transition démocratique" au Tchad avec, à la clé, des élections "d'ici octobre" 2022, conformément au calendrier approuvé par l’Union africaine. Enfin, a dit le sénateur, le projet de loi instruit le Département d'État d'identifier "les leaders du putsch" afin de les sanctionner.

Pour N'Djamena, c'était aller trop loin. Le général 5 étoiles n’a pas mâché ses mots.

"Le Tchad est un pays souverain; ce n'est pas un sénateur qui ne sait même pas placer le Tchad sur une carte et poussé par des lobbies qui va nous orienter, ou qui va nous dire quoi faire de notre pays", a lancé Mahamat Idriss Deby. "Et de surcroît, un sénateur qui traine des casseroles", a-t-il ajouté.

En 2015, Bob Menendez avait été inculpé par des procureurs américains de huit chefs d'accusation pour corruption présumée et trois chefs d'accusation de fraude présumée. Une première pour un sénateur en exercice depuis de longues années.

Jugé en instance criminelle devant un tribunal fédéral, il est acquitté en 2018 car les jurés n'étaient pas parvenus à un verdict unanime. Les procureurs avaient alors l'option de procéder à un nouveau procès, mais ils ont plutôt abandonné toutes les accusations à l'encontre du sénateur.

Un faux pas ?

Pour certains acteurs politiques tchadiens, le général Mahamat Idriss Deby a fait un faux pas.

L'opposant Succès Masra, chef du parti Les Transformateurs, a fustigé les "verbiages" du chef de la junte, l'exhortant à éviter une escalade. "Lorsque le Qatar a demandé au Tchad de différer l’organisation du dialogue sur la date de laquelle le PCMT était fermement engagé, je n’ai pas entendu qu’on a rappelé au Qatar que ce n’est pas à lui de dicter la manière dont le Tchad doit organiser son dialogue", a-t-il dit.

Pour le constitutionnaliste Ahmat Mahamat Hassan, la réaction du général Deby indique que les militaires ont l'intention de conserver le pouvoir. "Il aurait dû simplement saluer cette coopération pour la démocratie et la liberté et laisser le porte-parole du CMT confirmer leur engagement", a-t-il observé.

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Escalade verbale entre N'Djamena et Washington