Le second tour de la présidentielle, plus qu'incertain, divise le Liberia

Un partisan de l'ancien footballeur et candidat à la présidence du Congrès pour le changement démocratique (CDC) George Weah se tient derrière une bannière de la campagne présidentielle à Monrovia, Libéria, le 6 octobre 2017.

L'incertitude sur l'organisation du second tour de la présidentielle au Liberia, après des plaintes pour fraudes au premier tour, accentue les divisions dans le pays alors que la pression internationale monte pour tenter de trouver une solution.

La Cour suprême doit décider lundi de la tenue de ce second tour initialement prévu le 7 novembre, en programmant une nouvelle date ou en prolongeant le processus électoral jusqu'à l'examen final de la plainte déposée par le Parti de la liberté (opposition).

Le duel final devant opposer l'ex-star internationale de football, Georges Weah, de la Coalition pour le changement démocratique (CDC), au vice-président sortant Joseph Boakai, du Parti de l'unité (pouvoir), qui ont obtenu respectivement 38,4% et 28,8% des voix au premier tour, est donc à ce stade incertain.

La Commission électorale nationale (NEC) a déjà clairement affirmé que la date du 7 novembre était "un objectif "qu'il ne semble pas possible d'atteindre", selon les termes de son président, Jerome Korkoya, après que les préparatifs, dont l'acheminement des bulletins de vote et des urnes et la formation des personnes chargées d'encadrer le vote, eurent été suspendus à la demande de la Commission.

Le Parti de la liberté de Charles Brumskine, arrivé troisième au premier tour du 10 octobre avec 9,6% des suffrages, a immédiatement dénoncé des fraudes et des irrégularités. Soutenu par M. Boakai, il réclame que l'ensemble du processus électoral soit remis à plat.

Les résultats des élections présidentielles de 2005 et 2011, organisées après la guerre civile de 1989-2003 qui a fait quelque 250.000 morts, avaient également été d'abord contestés par le CDC de M. Weah, avant qu'il ne les accepte.

Le CDC a cette fois accusé M. Boakai de "tenter de voler les élections", le 31 octobre, après l'annonce du soutien apporté par le vice-président sortant à la requête introduite par M. Brumskine.

"Le pays est plus divisé que jamais", affirme Rodney Sieh, rédacteur en chef du journal d'investigation Front Page Africa. "Les supporters de Weah estiment que Brumskine et les autres prolongent le processus (électoral) alors que les autres pensent que la justice doit suivre son cours".

Querelles ouvertes

Parallèlement, MM. Boakai et Brumskine ont accusé la présidente Ellen Johnson Sirleaf, élue une première fois en 2005 et qui ne peut se représenter après deux mandats successifs, "d'interférence dans les élections" en raison de sa rencontre avec les responsables de la Commission électorale avant le premier tour. Cette rencontre, selon l'entourage de Mme Sirleaf, est "en conformité avec son mandat constitutionnel".

Ces allégations étaient en filigrane dans un projet de discours de M. Boakai où le vice-président dit clairement que Mme Sirleaf soutient M. Weah et non pas l'homme qui l'a servi pendant ses douze ans au pouvoir.

"Des personnes qui lui sont proches et agissent selon ses instructions sont en fait en train de fournir sous diverses formes notre principal adversaire à la présidentielle", le candidat du CDC, avait affirmé M. Boakai dans un projet de discours du 23 octobre transmis à l'AFP, avant qu'il ne soit changé à la dernière minute.

M. Brumskine a réclamé que les membres de la NEC soient remplacés avant qu'un nouveau scrutin soit organisé. Il a cette semaine accusé Mme Sirleaf d'être sur le point de replonger le Liberia dans la guerre civile de 1989-2003.

Le ministre de l'Information, Eugène Nagbe, a qualifié les allégations de M. Brumskine de "diatribes d'un égoïste perdant aveuglé par son égo et son arrogance... malgré 12 ans de rejet des électeurs", allusion au fait que M. Brumskine aurait perdu sa troisième présidentielle, après 2005 et 2011.

Attente

La communauté internationale, qui a accordé des milliards d'aide au Liberia depuis 2005, espère voir parachever la première transition démocratique dans ce pays dont elle suit avec inquiétude la situation.

Le président de l'Union africaine, Alpha Condé (Guinée), et le président togolais Faure Gnassingbe, président de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, ont fait pression sur les acteurs politiques pour une solution lors d'une brève visite mercredi, ont expliqué à l'AFP des sources diplomatiques et politiques.

Les électeurs libériens suivent également avec inquiétude les tensions en cours. "Nous ne voulons pas de violence. Quiconque sera choisi par la Cour sera celui choisi par le peuple, nous ne pouvons nous y opposer", affirme T. Klon Maxwell, un agent de sécurité, en regardant samedi les une des journaux devant un kiosque.

Avec AFP