Un tribunal kényan suspend le remplacement du vice-président destitué

Kithure Kindiki a été propulsé sur le devant de la scène internationale lorsqu'il a défendu William Ruto devant la Cour pénale internationale (CPI).

La Haute cour kényane a suspendu vendredi le remplacement du vice-président destitué Rigathi Gachagua par le ministre l'Intérieur Kithure Kindiki, dernier bouleversement de ce feuilleton politique qui captive le pays.

Au moment où la validation de la nomination de M. Kindiki par le président William Ruto était adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, quelques heures après l'approbation de la destitution inédite de M. Gachagua par le Sénat, une ordonnance de justice a suspendu la procédure jusqu’au 24 octobre.

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Le vice-président déchu, hospitalisé quelques heures avant le vote des sénateurs jeudi soir, avait contesté son remplacement en justice, le qualifiant d'anticonstitutionnel et précipité.

Jeudi soir, près d'une semaine après l'adoption à une écrasante majorité de la motion de destitution de M. Gachagua par l'Assemblée nationale, le Sénat avait jugé le vice-président coupable de "violation grave" de la Constitution, de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique.

Rigathi Gachagua, 59 ans, est devenu le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d'une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010. Il a qualifié la procédure de destitution de "complot visant à (le) chasser du pouvoir en raison d'autres considérations politiques" et a assuré la semaine dernière qu'il se battrait "jusqu'au bout".

Mais quelques heures avant le vote de la chambre haute et alors qu'il devait se défendre devant les sénateurs, M. Gachagua a été hospitalisé pour de "fortes douleurs thoraciques". Selon un médecin, son état était jeudi soir stable mais il restera en observation entre 48 et 72 heures.

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Ses avocats, qui avaient demandé un report du vote du Sénat, jugent sa destitution anticonstitutionnelle et précipitée, M. Gachagua ayant été privé de l'opportunité de se défendre. Ils ont lancé vendredi matin une procédure judiciaire pour bloquer son remplacement.

"En raison des problèmes soulevés" dans cette saisine, "et de l’urgence démontrée, une ordonnance conservatoire est par la présente émise pour suspendre l’application de la résolution par le Sénat", a jugé la Haute cour kényane.

Unanimité

A 52 ans, M. Kindiki a été propulsé sur le devant de la scène internationale lorsqu'il a défendu avec succès M. Ruto à la Cour pénale internationale (CPI). M. Ruto y était, avec d'autres dirigeants kényans, accusé d'implication dans des crimes commis lors des violences post-électorales au Kenya en 2007, des poursuites finalement abandonnées.

M. Kindiki est loué par ses partisans pour son bon sens. Mais il a été vivement critiqué pour avoir défendu les forces de l'ordre lors de manifestations antigouvernementales en juin et juillet, dont la violente répression policière a fait au moins 60 morts. Sa nomination avait d'emblée été approuvée à l’unanimité à l'Assemblée nationale.

M. Ruto avait choisi M. Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation déjà sulfureuse, marquée par plusieurs accusations de corruption. Doté d'un solide réseau d'influence notamment dans la région stratégique du mont Kenya, cet ancien homme d'affaires de l'ethnie kikuyu – majoritaire dans le pays – a joué un rôle crucial dans la victoire de M. Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%).

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Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l'Etat se sont détériorées notamment depuis le mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet. Les détracteurs du vice-président l'accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l'Etat face aux manifestations qui demandaient sa démission.

Le mouvement s'est essoufflé, mais le ressentiment est toujours présent et la crise actuelle au sommet de l'Etat est, pour de nombreux Kényans, un nouveau signe de déconnexion de la classe politique. William Ruto est resté silencieux sur l'affaire qui a mené à la destitution de M. Gachagua. Ce dernier a affirmé que la procédure "ne (pouvait) pas" avoir été lancée sans l'accord du chef de l'Etat.