Les Américains pleurent les onze fidèles tués dans leur synagogue

Une veillée pour les victimes de la fusillade de la synagogue de Pittsburgh à Pittsburgh, Pennsylvanie, États-Unis, le 27 octobre 2018

Une femme de 97 ans, un couple d'octogénaires, deux frères...Les Américains ont découvert dimanche l'identité des onze fidèles abattus la veille dans une synagogue de Pittsburgh, lors de la pire attaque antisémite jamais perpétrée aux Etats-Unis.

Trois femmes et huit hommes, quasiment tous âgés de plus de 60 ans, ont succombé sous les balles de Robert Bowers, un homme blanc de 46 ans, qui a, selon son acte d'accusation, expliqué après son arrestation : "Je voulais juste tuer des juifs".

Drapeaux en berne, veillés d'hommage à Pittsburgh et ailleurs, cérémonies oecuméniques: la communauté juive des Etats-Unis, la plus importante en dehors d'Israël, a reçu le soutien de tout le pays, mais aussi du pape, de Berlin ou Paris.

Armé de trois pistolets Glock et d'un fusil d’assaut semi-automatique AR-15, Robert Bowers a semé la mort samedi dans la synagogue "Tree of Life", en plein coeur du quartier juif de Pittsburgh (nord-est), qui abritait plusieurs offices religieux en ce jour de chabbat, le repos hebdomadaire juif.

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Le médecin légiste Karl Williams a révélé dimanche l'identité des victimes après avoir effectué des vérifications avec leurs proches. "Il n'y a pas de mots pour exprimer la sympathie" dont ces familles ont besoin, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

David et Cecil Rosenthal, des frères âgés de 54 et 59 ans, qui vivaient ensemble dans un centre pour adultes ayant des déficiences intellectuelles, sont tombés sous les balles de Robert Bowers. "Ils aimaient la vie, ils aimaient leur communauté, ils n'auraient jamais manqué l'office du samedi", a déclaré dans un communiqué l'organisation Achieva qui gère leur foyer.

Les neuf autres victimes avaient plus de 65 ans, la plus âgée Rose Mallinger, une résidente du quartier, avait même 97 ans.

Melvin Wax, 88 ans, aimait "raconter des blagues et aller à la synagogue", a confié un ami de sa famille au journal Pittsburgh Post-Gazette. "C'était sa routine, comme prendre son petit-déjeuner pour d'autres..."

Le médecin légiste, qui procède à des autopsies dans le respect "des lois civiles et religieuses", espèrent pouvoir rendre les premiers corps à leurs familles dans la journée.

Preuve de l'ampleur du drame: il faudra en revanche une semaine pour examiner et nettoyer la scène du crime.

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"Le coeur brisé"

Arrêté après un échange de tirs avec des policiers, dont quatre ont été blessés, Robert Bowers a dû être opéré et restait hospitalisé dimanche dans un état stable.

Inculpé de 29 chefs d'accusation, il sera jugé au niveau fédéral et encourt la peine de mort.

Auteur de plusieurs messages antisémites sur les réseaux sociaux, il s'en était pris juste avant son attaque à une organisation juive d'aide aux réfugiés. "HIAS aime amener des envahisseurs pour tuer les nôtres. Je ne peux pas rester assis et voir les miens se faire massacrer, j'y vais."

Sa virée meurtrière a plongé le quartier de Squirrel Hill, coeur de la communauté juive de Pittsburgh, dans l'effroi.

Comme chaque dimanche, Alyia Paulding, 37 ans, est venue vendre ses savons sur un petit marché. Mais cette fois, elle confie avec émotion avoir "le coeur brisé". "Le marché est bien silencieux, tout le quartier semble éteint...", dit-elle à l'AFP.

Le maire, Bill Peduto a toutefois fait part de sa confiance en l'avenir. "Nous savons que la haine ne l'emportera jamais". L'élu démocrate a également relancé l'épineux débat sur les armes à feu, alors que les fusillades endeuillent régulièrement les Etats-Unis.

"J'ai entendu le président dire qu'il faudrait armer des gardes dans nos synagogues", a-t-il déclaré. "Notre approche devrait plutôt être: comment retirer les armes à feu - qui sont le dénominateur commun de toutes les fusillades en Amérique - des mains de ceux qui veulent exprimer leur haine raciste avec des meurtres ?"

"Antisémitisme normalisé"

Donald Trump a fermement condamné la tuerie, "une chose terrible". En meeting samedi soir, il a a appelé les Américains à se tenir aux côtés de leurs "frères et soeurs juifs pour vaincre l'antisémitisme et les forces de la haine".

Il a toutefois estimé que la fusillade était l'oeuvre d'un "cinglé" et qu'il ne fallait pas changer "nos vies ou nos emplois du temps".

Mais pour l'Anti-Defamation League, la principale organisation de lutte contre l'antisémitisme aux Etats-Unis, la tuerie s'inscrit dans un contexte délétère.

"Nous sommes à un moment où l'antisémitisme est presque normalisé", a déploré sur la chaîne NBC son directeur Jonathan Greenblatt, en rappelant avoir enregistré une hausse de 57% des actes antisémites (menaces, violences, insultes...) en 2017 dans le pays.

Pour lui, certaines personnalités politiques ont contribué à banaliser le discours antisémite, à commencer par le président Trump "qui a utilisé la rhétorique des suprématistes blancs".

Plus globalement, de nombreuses voix ont déploré une détérioration du débat public à l'approche des élections législatives du 6 novembre et craignent que les attaques verbales entre candidats n'encouragent le passage à l'acte de personnes dérangées.

Un homme a ainsi envoyé des engins piégés la semaine dernière à une dizaine de personnalités démocrates ou détracteurs du président républicain.

Avec AFP