Le Congrès national africain (ANC) se réunit à partir de samedi pour élire un successeur à M. Zuma, qui le dirige depuis dix ans. Cette conférence se déroule dans un climat de vives tensions, nourries par les graves accusations de corruption qui visent depuis des années le chef de l'Etat.
Membre d'un groupe de vétérans du combat contre l'apartheid, Sipho Pityana, 58 ans, est l'un des plus féroces pourfendeurs du chef de l'Etat.
Aujourd'hui reconverti avec succès dans les affaires, cet ancien haut fonctionnaire qui a servi sous les présidents Mandela et Thabo Mbeki ne mâche pas ses mots.
Il juge "honteux" que l'ANC n'ait pas débarqué M. Zuma plus tôt.
"Le parti doit reconnaître qu'il est moralement en faillite et corrompu jusqu'à la moelle", déclare à l'AFP M. Pityana. "Réparer les dégâts (causés par Zuma) va nous prendre des années."
Comme cet éminent patron, de nombreux anciens ont abouti à la même conclusion.
- 'Démission' -
Détournements de fonds publics, pots-de-vin, trafic d'influence, les pratiques reprochées à Jacob Zuma ont fini par déteindre sur son parti, au point de menacer le pouvoir sans partage qu'il exerce sur l'Afrique du Sud depuis la chute officielle du régime d'apartheid en 1994.
L'an dernier, l'ANC a enregistré son revers électoral le plus sérieux en cédant le contrôle à une coalition de l'opposition des municipalités symboliques de Johannesburg, la plus grande ville du pays, et de Pretoria, sa capitale.
Un avant-goût, se sont inquiétés nombre de ses membres, de la défaite encore plus cuisante qui les menace lors des élections générales de 2019 si rien n'est fait pour "corriger" le parti.
Les grands noms de la lutte dite de "libération" ont été les premiers à tirer le signal d'alarme.
Dès 2016, Ahmed Kathrada, aujourd'hui décédé, avait publiquement appelé àla démission du "camarade président", dont le second mandat présidentiel expire en 2019. "Ne pensez-vous pas que rester président va contribuer à aggraver la crise de confiance dans le gouvernement du pays ?", avait-il écrit.
Après un remaniement ministériel très contesté en mars dernier, d'autres compagnons de route de Mandela lui ont emboîté le pas. "La décision de démettre le président n'a que trop tardé", lance alors l'ancien dirigeant étudiant Murphy Morobe.
Sans surprise, leurs appels sont restés vains.
Le "cas" Zuma a nourri des discussions enflammées au sein de la direction du parti. En août, une trentaine de députés de l'ANC ont même franchi le pas en votant pour la première fois en faveur de la destitution du chef de l'Etat.
Mais rien n'y a fait. Le président "Teflon", fidèle à son sobriquet, est resté solidement accroché à son siège.
- 'Ennemi intérieur' -
Sûr de lui, Jacob Zuma ne manque plus aucune occasion de renvoyer lui-même les "anciens" dans les cordes. "Ces gens se targuent de défendre les valeurs et de comprendre l'ANC", a-t-il récemment raillé, "mais les sections locales qui font cette organisation, ici, pensent qu'ils ne sont rien".
"L'ANC est à nous", lui a rétorqué l'ancien chef de l'aile militaire du parti, le général Siphiwe Nyanda.
Lui et ses pairs espèrent encore que la conférence qui débute samedi sera l'occasion de "sauver" leur parti.
La plupart ont pris fait et cause pour le vice-président Cyril Ramaphosa contre l'ex-épouse du président, Nkosazana Dlamini Zuma, dont la victoire signerait, selon eux, l'arrêt de mort du "glorieux mouvement" célébré par Mandela.
Cette semaine, les "anciens" ont une nouvelle fois publiquement fustigé la "trahison" des idéaux de l'ANC par son chef actuel.
"Nous observons que l'actuelle direction de l'ANC est paralysée et incapable de traiter l'indiscipline, l'incompétence et la corruption qui affectent ses plus hauts rangs", ont-ils déploré dans une lettre ouverte.
Ancien proche conseiller de l'ex-président Mbeki, Frank Chikane se désespère de la lente décadence morale du parti.
"Ce que vous voyez, ce n'est pas l'ANC", assure-t-il à l'AFP. "Je suis fier de l'histoire de l'ANC, mais je ne suis vraiment pas fier d'être membre d'un ANC dirigé par cette clique".
"Dans le passé, nous pensions que l'ennemi était à l'extérieur", conclut-il, amer. "Aujourd'hui il est à l'intérieur."
Avec AFP