Des dizaines de milliers de chrétiens s'étaient réunis à la basilique notre-dame-de-la paix de Yamoussoukro, la capitale politique et administrative, dans le centre du pays, pour le "pèlerinage national" lancé dans le cadre du jubilé de la miséricorde, une année sainte ouverte le 8 décembre 2015 par le pape François.
"La réconciliation naturellement exige la libération des prisonniers dans le cadre du conflit advenu dans le pays, surtout que de ce point de vue, personne ne peut se dire innocent", a déclaré l'évêque de Katiola (nord), Mgr Ignace Bessi Dogbo, parlant au nom des évêques ivoiriens lors du rassemblement.
"Pour se réconcilier il faut être libre, pour être libre, il faut avoir la faculté d'aller et de venir sans être inquiété", a-t-il ajouté.
Dans la situation sociopolitique de la Côte d'Ivoire, le pèlerinage à la basilique de Yamoussoukro "revêt un caractère particulier, en raison de la diversité culturelle des fidèles", a souligné de son côté le père Donald Ouali, de l'archidiocèse de Bouaké (centre), deuxième ville du pays.
"Ici (...), il n'y a pas d'ethnie, il n'y a pas de groupe politique. Ce qui nous réunit, c'est notre foi" a-t-il expliqué.
La déclaration de l'Eglise catholique ivoirienne est "une surprise", estime Gnaka Lagoké, professeur d'histoire à Montgomery College, dans l'Etat américain du Maryland. "Ce n'est même pas le fait que l' Eglise catholique demande la libération des prisonniers politiques, ce n'est pas ça qui est le plus important. Le plus important, c'est que l'Eglise catholique prend à contre-pied le président de la République qui avait déclaré qu'il n 'y avait pas de prisonniers politiques", a-t-il expliqué dans une interview à VOA Afrique.
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Le pays a connu une décennie de crise politico-militaire, marquée par une partition entre le Nord aux mains d'une rébellion et le Sud contrôlé par le camp de l'ex-président Laurent Gbagbo (au pouvoir entre 2000 et 2011).
Cette période troublée a culminé avec la crise post-électorale de 2010-2011, provoquée par le refus de M. Gbagbo de reconnaitre la victoire de son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010. Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois.
Si les deux camps se sont montrés coupables d'exactions, aucun responsable pro-Ouattara n'a à ce jour été inquiété, ce qui nourrit les accusations par l'opposition de "justice des vainqueurs".
Le Front populaire ivoirien (FPI) d'opposition, créé par M. Gbagbo, parle de "300 personnes" encore détenues, tandis que le gouvernement évoque "entre 140 et 150 prisonniers".
"Le malaise est profond et il convient à présent de mettre un accent particulier sur les initiatives en faveur de la réconciliation", avait alerté en avril Mgr Siméon Ahouana, président de la Commission nationale pour la réconciliation et l'indemnisation des victimes (CONARIV).
La Côte d'Ivoire, avec 23 millions d'habitants, dont 5,4 millions d'étrangers, compte 40% de musulmans, 40% de chrétiens et 20% d'animistes.
Avec AFP