Du pionnier turc Besiktas en janvier 2015, au tout nouveau venu sud-africain Kaizer Chiefs début juillet, plus d'une trentaine de clubs de foot professionnels à travers le monde (West Ham, Valence CF, Sampdoria Gênes,...) ont investi les compétitions virtuelles.
Si la majeure partie d'entre eux "n'y ont vu juste qu'une opportunité marketing" avec le recrutement de joueurs Fifa -- "un jeu (de football) que certes tout le monde comprend mais qui est ultra-minoritaire dans l'eSport", explique à l'AFP Xavier Oswald, fondateur du site d'information économique eSports Daily News --, d'autres ont fait un pari plus audacieux.
A l'image du PSG, qui a surtout misé sur League of Legends, l'un des titres phares des compétitions eSport -- à l'instar de Dota 2, Counter-Strike ou Hearthstone -- avec le recrutement en octobre dernier de l'ancienne star Bora "Yellowstar" Kim pour encadrer une équipe de cinq joueurs.
Pourquoi un tel intérêt ? Avec plus de 470 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde en 2016, selon une étude du Cabinet Deloitte, l'eSport est un marché florissant, porté notamment par la forte audience auprès des "millenials" (15-35 ans).
- Nouveaux sponsors et rayonnement mondial -
"On ne peut passer au travers d'une cible qui représente à peu près 250 millions de jeunes dans le monde", explique à l'AFP Fabien Allègre, directeur de la diversification de la marque du club parisien.
"Pour nous (l'eSport) est aussi un moyen d'aller chercher en dehors du foot une autre cible de clientèle à terme, et surtout de pouvoir travailler le lien avec la marque d'une façon différente", ajoute ce responsable du PSG, qui investit "entre un et deux millions d'euros par an" pour sa division eSport.
Pour Guilherme Fraga, fondateur de la section eSport du Sporting Portugal, les compétitions de jeu vidéo offrent également aux clubs traditionnels la possibilité de développer leur notoriété à l'international, notamment sur les marchés émergents.
"Les fans du Sporting sont surtout présents au Portugal, en France, voire aux Etats-Unis. Mais si on regarde en Asie, ce n'est pas une marque très connue en comparaison avec les clubs anglais", explique à l'AFP M. Fraga, également directeur général de Qwatti, start-up spécialisée dans le conseil aux franchises sportives désirant se lancer dans l'eSport.
"Quand on a fait la conférence de presse annonçant le lancement de la section eSport, on a vu environ 120 différents pays qui ont diffusé la nouvelle. En Chine, un supporter du Sporting nous a même envoyé une capture d'écran qui montrait le logo du club diffusé à la télévision", a-t-il ajouté.
Au niveau financier, les clubs peuvent diversifier leurs recettes issues du sponsoring en suscitant "l'intérêt de marques qu'on n'avait pas forcément l'habitude d'avoir", souligne M. Allègre, à l'image du fabricant de composants informatique Asus qui s'affiche sur la tunique des "e-sportifs" du PSG.
- Concurrencer le foot en droits de diffusion ? -
Si l'afflux de nouveaux sponsors apparaît comme une source intéressante de revenus, tous les acteurs guettent surtout la commercialisation prochaine des droits de diffusion, alors que la plupart des compétitions sont aujourd'hui accessibles gratuitement en ligne.
"Il y a un moment où il va y avoir des droits de diffusion pour des événements premiums comme dans le sport", pronostique Xavier Oswald.
De quoi concurrencer à terme le football réel, la Ligue des champions ou la puissante Premier League et ses 2,3 milliards d'euros par an de droits TV ? Son patron Richard Scudamore a déjà repéré le danger.
Invité en août dernier à désigner quel sport ou quelle compétition pouvait concurrencer le lucratif championnat anglais, il avait pointé "les jeux vidéo de toutes sortes" et "les activités communautaires et interactives".
Guilherme Fraga n'exclut pas de son côté la création prochaine d'une Ligue électronique fermée et dédiée aux clubs de foot, fantasme de certains dirigeants du foot européen dans le monde réel récemment balayé par l'UEFA.
En mars dernier, "on a organisé un tournoi à Varsovie, où il y avait 10 clubs européens représentés. On a discuté avec eux de l'opportunité de créer une ligue où les clubs peuvent faire ce qu'ils n'ont pas fait dans le foot: une +Superligue+ européenne", confie-t-il. Le virtuel comme solution aux impasses du réel ?
Avec AFP