Les deux ex-maires rwandais condamnés à perpétuité en France pour génocide font appel

Sur ce croquis fait lors d’une audience, Tito Barahira (deuxième rangée à gauche) et Octavien Ngenzi (deuxième rangée à droite), deux anciens maires rwandais qui sont accusés d'avoir orchestré "exécutions massives et systématiques sommaires" dans le génocide de 1994 au Rwanda, assistent à leur procès au palais de justice de Paris, 10 mai 2016. AFP PHOTO / BENOIT Peyrucq

Les avocats d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira annoncent que leurs clients, anciens bourgmestres rwandais, condamnés à la prison à vie par la justice française pour leur participation au génocide des Tutsi en avril 1994, vont faire appel.

La défense de ces anciens bourgmestres rwandais dénonce "les motivations indigentes" de la cour d'assises de Paris.

"Nous allons bien entendu faire appel de cette condamnation", ont dit Françoise Mathe et Philippe Meilhac.

A l'issue de deux mois de procès, Octavien Ngenzi, 58 ans, et Tito Barahira, 65 ans, ont été jugés mercredi coupables de "crimes contre l'humanité" et "génocide", pour "une pratique massive et systématique d'exécutions sommaires" en application d'un "plan concerté tendant à la destruction" du groupe ethnique tutsi dans leur commune de Kabarondo, dans l'est du Rwanda.

C'est la seconde et la plus lourde condamnation en France en relation avec les massacres de 1994 au Rwanda, après celle en 2014 de l'ex-capitaine de l'armée Pascal Simbikangwa à 25 ans de réclusion, pour génocide et complicité de crimes contre l'humanité.

Tous ont été arrêtés en France et jugés en vertu de la compétence universelle des juridictions françaises pour les crimes les plus graves.

"La motivation de la cour est sidérante. C'est un résumé imprécis et vague de l'ordonnance de mise en accusation, qui ne fait aucune référence aux déclarations des témoins à l'audience. On constate un problème de chronologie mais on n'en tire aucune conclusion", a estimé Me Mathe.

'Contradictions dans la chronologie'

Contrairement à la feuille de motivation de l'affaire Simbikangwa, un document de onze pages détaillant le parcours individuel de l'accusé et relevant précisément les témoignages les plus forts retenus par la cour, celle du procès des bourgmestres, six pages pour deux, reprend succinctement les principaux épisodes du génocide à Kabarondo, sans détailler les témoignages motivant sa décision.

Pour la défense, le procès s'est déroulé "de manière chaotique", n'a permis "à aucun moment d'avoir une vision claire et complète de la situation". "On a empilé les témoignages, la quantité au détriment de la qualité", a déploré Me Mathe. "On a fait prévaloir des conditions d'organisation sur la nécessité d'examiner les témoignages, de les confronter. Les accusés ont été exclus des débats. Il ont été traités comme des invités indésirables à leur propre procès."

Pour Me Meilhac, "il aurait fallu que les témoins soient confrontés aux accusés au fur et à mesure, cela n'a jamais été le cas".

Dans un dossier reposant presque exclusivement sur les témoignages, "les contradictions dans la chronologie, qui sont fondamentales puisque selon les déclarations des différents témoins, les accusés sont parfois à deux endroits différents en même temps, n'ont pu être examinées", a-t-il relevé.

"La perpétuité s'articule logiquement avec le reste: c'est l'articulation mécanique d'une échelle des peines. Le plus grave, c'est le génocide, alors on applique la peine la plus grave. Pas la peine de tenir huit semaines d'audience pour en arriver là", a regretté Me Mathe.

A l'énoncé du verdict, la lourdeur de la peine avait saisi la salle. "On est satisfait de les voir déclarés coupables. La réclusion à perpétuité, c'est un choix de la cour, qui ne nous appartient pas", avait sobrement commenté Michel Laval, avocat de nombreuses parties civiles au procès.

Considéré comme le théoricien du génocide des Tutsi, déclaré coupable de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, Théoneste Bagosora a été condamné à 35 ans de prison par le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha. Le même tribunal a condamné la plupart des bourgmestres qu'il a jugés à des peines très variables, allant de quelques années à la perpétuité.

Avec AFP