Les missions diplomatiques occidentales en République démocratique du Congo ont dénoncé mercredi l'interdiction par les autorités congolaises de deux chansons qui interpellent le président Félix Tshisekedi et la classe dirigeante congolaise.
Dans une campagne en ligne vraisemblablement coordonnée, les ambassades ont rejeté en lingala et en français ce qui, à leurs yeux, représente une tentative d'étouffer la liberté d'expression dans le pays.
"Censurer et entraver la liberté d’expression et la création artistique", a tweeté la délégation de l'Union européenne à Kinshasa. Le tweet a été repris par d'autres missions diplomatiques, notamment celles de la Suède, de l'Allemagne, de la France et de la République tchèque.
A l'origine, la décision de la Commission congolaise de censure d'interdire la diffusion sur tout le territoire de la RDCD des chansons "Nini tosali te (Que n'avons-nous pas fait, en lingala)" du groupe musical MPR et "Lettre à Ya Tshitshi" du chanteur Bob Elvis.
"Kabila est parti mais c'est toujours compliqué"
"Vous nous aviez promis le bonheur après le départ de Mobutu. Mobutu est parti mais on a rien vu. Vous nous avez dit que tout va s'arranger si Kabila quittait le pouvoir. Kabila est parti mais c'est toujours compliqué, malgré le changement (de régime) dans le pays", écoute-t-on dans la chanson "Nini tosali te" du groupe musical MPR.
Le MPR, Mouvement populaire de la révolution, est le nom de l'ancien parti unique fondé par l'ancien président Mobutu Sese Seko (1965-1997).
Dans la deuxième chanson interdite "Lettre à Ya Tshitshi", du surnom de l'opposant historique défunt Étienne Tshisekedi, père du président Félix Tshisekedi, le chanteur Bob Elvis égrène les maux qui rongent le pays et sa classe dirigeante.
"Depuis que tu es parti, ton fils Félix est devenu président. Les députés sont de plus en plus inconscients. Ton fils multiplie des promesses sans les tenir au lieu d'exceller dans des actes. La guerre dans l'Est continue", regrette le rappeur.
"On a changé de régime sans changer de système", ajoute-il.
Face aux dénonciations des diplomates occidentaux, les autorités congolaises ont tenté de se défendre.
"La décision portant censure des chansons n’émane pas du gouvernement (...). Tout citoyen est libre d’exprimer son opinion sous réserve des dispositions légales", a réagi sur twitter le ministre Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement.
"Il s'agit d'une question de procédure. Avant de diffuser une chanson en public, il faut absolument passer par la Commission de censure. Ces jeunes ne l'ont pas fait", a rétorqué Didi Kelokelo, directeur de la Commission de censure congolaise, qui dépend du Conseil d’État.
Il y a un an, en novembre 2020, la célèbre musicienne Tshala Muana avait été interpellée et interrogée pendant plus de 24 heures par l'Agence nationale du renseignement (ANR), pour une chanson intitulée "ingratitude".
Avec AFP.