"Nous sommes tous préoccupés par ce récent développement et je pense qu'il est important de vraiment comprendre ce qui sous-tend cette très très sérieuse limitation de la liberté d'expression", a déclaré Erica Barks-Ruggles, l'ambassadrice des Etats-Unis lors d'un dialogue organisé par l'Union européenne en présence du ministre rwandais de la justice et portant sur les droits de l'homme au Rwanda.
La commission électorale nationale (NEC) a récemment publié une directive prenant effet à partir du 14 juillet - date du début de la campagne électorale - qui oblige tous les candidats à la présidentielle à lui soumettre au moins 48h avant leur utilisation tous les "messages, photographies ou autre matériel de campagne" qu'ils souhaitent publier sur les réseaux sociaux.
Cette mesure vise à "éviter des expressions, des paroles, des actes qui peuvent amener la population à des actes d'insécurité, au réveil du divisionnisme dans la population rwandaise", a expliqué Kalisa Mbanda, président de la commission électorale rwandaise.
"Nous avons les mêmes problèmes dans nos pays, nous discutons de comment contrôler Facebook, comment limiter les discours haineux et tout cela, mais la censure est-elle la voie à suivre ?", s'est interrogé Peter Woeste l'ambassadeur d'Allemagne.
La mesure a été critiquée par l'opposition rwandaise qui craint son utilisation pour empêcher toute critique du régime du président Paul Kagame.
"Je pense que c'est trop limitatif", a expliqué à l'AFP Michael Ryan, l'ambassadeur de l'Union européenne, s'inquètant de savoir "où les lignes sont tracées".
"L'important est d'avoir des élections libres et équitables dans le sens où les candidats ont le droit d'accéder au public avec leurs programmes et leurs politiques", a-t-il conclu.
"La commission électorale nationale a le droit de réfléchir, d'agir, de publier des lignes directrices", a répondu Johnston Busingye, le ministre rwandais de la Justice, tout en reconnaissant que la "la société a également le droit de réagir" y compris par voie légale.
Quatre candidats d'opposition ont déclaré leur intention d'affronter le président Kagame mais ils doivent encore recevoir l'aval de la commission électorale.
Une réforme controversée de la constitution adoptée en décembre 2015 permet à l'homme fort du Rwanda depuis 1994 de se représenter cette année et, potentiellement, de diriger le pays jusqu'en 2034.
Si la Constitution consacre le multipartisme, il n'existe pratiquement pas d'opposition, le FPR contrôlant d'une main de fer les sphères politique, sociale et économique.
Depuis la fin du génocide qui a fait d'avril à juillet 1994 environ 800.000 morts - essentiellement parmi la minorité tutsi - le Rwanda est salué pour ses résultats économiques et sa stabilité mais critiqué pour ses atteintes à la liberté d'expression et son manque d'ouverture politique.
Avec AFP