Sous l'égide du président rwandais Paul Kagame, l'UA s'est engagée en 2016 et 2017 à entreprendre une série de profondes réformes. Les enjeux: l'indépendance financière d'une institution qui fonctionne principalement grâce aux donateurs étrangers (73% du budget en 2017) et un recentrage de ses activités en vue d'en faire une organisation efficace.
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Or, c'est précisément Paul Kagame qui succédera dimanche au président guinéen Alpha Condé à la tête de l'UA dans le cadre de la présidence tournante, et il aura à coeur que ces réformes ne rejoignent pas la longue liste des mesures approuvées par l'UA, mais jamais mises en oeuvre - une faiblesse que M. Kagame entend d'ailleurs gommer par ces réformes.
"Je pense que Kagame va faire tout ce qui est possible, il veut laisser un trace", estime un diplomate africain sous couvert de l'anonymat, se montrant toutefois pessimiste. "Au final, je crains que ce qui va se passer soit assez faible".
La légalité d'une taxe de 0,2% sur les importations destinée à financer l'Union africaine à hauteur de 1,2 milliard d'euros, et dont le principe a été approuvé par les chefs d'Etat africains en juillet 2016, fait désormais débat, car vue - notamment par les Etats-Unis - comme contraire aux règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Selon l'analyste Elissa Jobson, de l'International Crisis Group, M. Kagame devra notamment convaincre l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Egypte, le Maroc et le Nigeria, "qui ont tous de sérieux doutes quant aux réformes financières". Ces pays représenteraient à eux seuls la moitié du budget obtenu grâce à la taxe de 0,2%.
D'autres réformes, comme l'établissement d'une troïka de dirigeants pour représenter l'UA lors de sommets avec ses partenaires, ont également été critiquées, alors que certains reprochent à M. Kagame, homme fort du Rwanda depuis 1994 et peu habitué aux compromis, de ne pas mener suffisamment de consultations dans le processus de réformes.
"C'est un chef de village qui a eu du succès dans son village, et quand il est venu à la ville et qu'il a essayé la même méthode qu'au village, les gens ont dit +ça ne marche pas comme cela ici+", ironise le diplomate africain, rappelant que le Rwanda est un "petit pays" et non une grande puissance africaine.
Les crises et conflits qui traversent le continent, une des priorités du président de la Commission de l'UA Moussa Faki, seront également à l'ordre du jour, comme le chaos en Libye et en Centrafrique, les groupes jihadistes dans certaines parties du Sahel, les tensions en République démocratique du Congo et au Cameroun.
Au Soudan du Sud, un processus de "revitalisation" de l'accord de paix signé en 2015 a été lancé, mais un cessez-le-feu entré en vigueur le 24 décembre a été violé de nombreuses fois par les belligérants.
La mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom) doit elle se retirer d'ici décembre 2020 de cette nation minée par les attentats islamistes, alors que de sérieux doutes existent sur la capacité des forces somaliennes à assurer elles-mêmes la sécurité.
Fin novembre, un sommet Europe-Afrique s'était achevé sur l'"engagement fort" à lutter contre le drame de l'immigration clandestine et de ses dérives comme les marchés d'esclaves en Libye. Le sujet devrait faire l'objet de nouvelles discussions.
Alors que l'UA était déjà apparue divisée sur la question du retour du Maroc dans l'organisation en janvier 2017, les observateurs estiment par ailleurs que MM. Kagame et Faki auront pour tâche d'atténuer les tensions provoquées en Afrique par la crise diplomatique dans les pays du Golfe.
Enfin, les remarques de Donald Trump, qui avait qualifié des pays africains de "pays de merde" le 12 janvier, pourraient à nouveau occuper les esprits, ce même si le président américain a adressé depuis Davos ses "sentiments chaleureux" aux dirigeants africains lors d'une rencontre avec le président Kagame.
Jeudi, Moussa Faki avait déclaré à Addis Abeba, en prélude au sommet, que "l'Afrique n'a pas fini de digérer les déclarations du président des Etats-Unis, qui ont profondément choqué par les messages de mépris, de haine, de désir de marginalisation et d'exclusion de l'Afrique qu'elles ont véhiculées".
Avec AFP