Joe Biden et son épouse Jill sont attendus samedi matin à New York, au très impressionnant mémorial construit là où s'élevaient les tours jumelles du World Trade Center tombées le mardi 11 septembre 2001; comme chaque année, pendant trois heures, y seront lus les quelque 3.000 noms de personnes tuées. D'immenses faisceaux de lumières verticaux se dressent déjà cette semaine depuis les deux immenses bassins noirs qui ont remplacé la base des tours.
Le couple présidentiel doit se rendre également en Pennsylvanie où s'est écrasé un avion détourné par quatre des 19 jihadistes et en bordure de Washington, où le Pentagone a été attaqué.
Joe Biden ne s'exprimera pas de toute la journée. Seul un message vidéo devrait être diffusé, a fait savoir la Maison Blanche.
Un 20e anniversaire dont la douleur, l'émotion des survivants, familles de victimes et témoins de l'époque restent extrêmement vives. Mais, en l'espace de deux décennies et d'une génération, ce cataclysme appartient aussi désormais à l'Histoire et les jeunes américains de 2021 n'en ont parfois qu'une conscience partielle, relèvent des experts.
Et M. Biden est fragilisé par la débâcle de la fin de l'intervention militaire en Afghanistan - d'octobre 2001 au 31 août dernier - alors que le Pentagone et le département d'Etat ont été pris de court par l'avancée fulgurante des talibans.
Lire aussi : Afghanistan: les évacuations étaient un "succès extraordinaire", selon BidenLes Etats-Unis, qui ont perdu 2.500 soldats et dépensé environ 2.000 milliards de dollars en Afghanistan, ont laissé le pays à des fondamentalistes islamistes qu'ils avaient pourtant chassés de Kaboul il y a 20 ans en les accusant d'abriter le chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden, tué en mai 2011 au Pakistan.
Et l'attentat du 26 août, revendiqué par la branche afghane du groupe Etat islamique, qui a tué 13 militaires américains à l'aéroport de Kaboul - en pleine opération d’évacuation - a bouleversé l'opinion publique. Ces jeunes femmes et hommes en uniforme étaient pour la plupart à peine nés au déclenchement du conflit afghan.
Leur mort rappelle que l'Amérique est à une césure: entre le souvenir toujours à vif pour des dizaines de millions d’Américains et une mémoire historique et institutionnelle pour la jeune génération qui n'a pas vécu le 11-Septembre et l'évoque parfois en famille, à l'école, dans les médias.
- "Centenaire du 11-Septembre" -
Stephen Walt, professeur de relations internationale à Harvard, se demande justement dans le magazine Foreign Policy "comment le 11-Septembre sera commémoré pour son centenaire" en 2101 ?
Les générations à venir "le verront-ils comme une tragédie spectaculaire, mais finalement mineure, ou comme un tournant fondamental dans la trajectoire des Etats-Unis et de la politique internationale", s'interroge M. Walt en répondant que "la signification" d'un fait historique "dépend de ceux qui l’interprètent (...) Américains, Afghans, Irakiens, Saoudiens ou Européens".
Le magazine The New Yorker exhume aussi cette semaine des articles qu'il avait publiés quelques jours après les attentats: notamment celui de Roger Angell, un auteur de 80 ans à l'époque, assez âgé pour pouvoir comparer le 11-Septembre à ses souvenirs de jeunesse de Pearl Harbor, Hiroshima ou de la mort de Kennedy.
"L'attaque contre le World Trade Center est sans précédent", écrivait-il en 2001. "L'Histoire avance à un rythme implacable et nous serons toujours confrontés à de nouveaux cataclysmes", déplorait-il.
La douleur du 11-Septembre reste évidemment très vive pour les familles des disparus: "J'ai l'impression que cela vient d'arriver", relève Monica Iken-Murphy, veuve d'un trader de 37 ans qui travaillait au 84e étage de la tour sud.
Elle tient à cette cérémonie du souvenir.
Pour les jeunes nés après le 11-Septembre, c'est "important qu'ils sachent ce qui s'est passé ce jour-là, car il y a toute une génération qui ne le comprend pas vraiment". Il faut "que le souvenir et l'Histoire restent bien vivants", dit-elle à l'AFP.
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