Alors que l'évacuation à Alep devait être menée simultanément à celle des villages de Foua et Kafraya, à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de la la deuxième ville de Syrie, une vingtaine de bus qui s'apprêtaient à entrer dans ces deux localités chiites prorégime assiégées par les rebelles ont en effet été attaqués et incendiés par des hommes armés issue de la mouvance jihadiste.
Un des chauffeurs a trouvé la mort, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"L'opération a été reportée en raison de l'absence de garanties concernant la sécurité des évacués des deux villages de Foua et Kafraya", a annoncé le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane, précisant que la suspension était due à l'attaque des bus.
"Les évacuations sont momentanément interrompues", a confirmé à l'AFP Yasser al-Youssef, du groupe rebelle Nourredine al-Zinki, soulignant toutefois que l'incident en question "n'allait pas avoir d'impact sur la reprise de l'opération à une date ultérieure".
Des milliers de personnes sont bloquées depuis vendredi dans la poche rebelle d'Alep, conquise presque entièrement par le régime de Bachar al-Assad après une violente offensive aérienne et terrestre d'un mois, doublée d'un siège hermétique depuis juillet.
Le correspondant de l'AFP dans le secteur rebelle d'Alep a vu toute la journée des milliers de personnes agglutinées dans le quartier d'al-Amiriyah, d'où étaient partis jeudi des convois avant que l'opération ne soit suspendue par le régime le lendemain.
En vertu d'un nouvel accord entre belligérants et leurs parrains russe, turc et iranien, des dizaines de bus sont entrés à Alep en vue de l'évacuation, "sous la supervision du Croissant-Rouge et du Comité international de la Croix-Rouge", d'après les médias officiels.
Froid glacial
Selon la télévision d'Etat syrienne, 100 bus étaient chargés de faire sortir les civils et les insurgés d'Alep.
En début de soirée, après des heures d'attente, plus de 30 bus étaient pleins à craquer, certaines personnes debout faute de place, mais les véhicules n'ont pas quitté la ville, a rapporté le journaliste de l'AFP.
Des milliers d'autres personnes, dont beaucoup d'enfants, continuaient d'attendre dans le froid glacial pour ne pas rater un autre convoi, a-t-il précisé.
Certains ont enlevé des vêtements de leurs bagages et y ont mis le feu pour se réchauffer alors que les températures avoisinaient les -6 degrés Celsius en soirée.
Il resterait environ 40.000 civils et entre 1.500 et 5.000 combattants avec leurs familles dans le réduit rebelle, selon l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura.
Environ 8.500 personnes, selon l'OSDH, avaient pu être évacuées d'Alep avant que les opérations ne soient interrompues en raison de divergences sur le nombre de personnes à évacuer de Foua et Kafraya, assiégées par les rebelles dans la province voisine d'Idleb (nord-ouest).
Mais un responsable rebelle avait affirmé dimanche à des journalistes qu'un nouvel accord avait été conclu aux termes duquel la reprise des évacuations à Alep se déroulerait parallèlement à celle Foua et Kafraya.
Le responsable rebelle a parlé d'une opération en deux étapes: des assiégés d'Alep sortiront contre 2.500 habitants de Foua et Kefraya. Puis 1.500 personnes supplémentaires sortiront de ces deux villages parallèlement à l'évacuation du même nombre de gens de Zabadani et de Madaya, deux villes rebelles assiégées par le régime près de Damas.
Trois médecins
La situation humanitaire devient de plus en plus catastrophique à Alep pour les civils bloqués, dont des enfants qui passent la nuit dans les ruines des immeubles, selon le correspondant de l'AFP. Privés d'eau potable et de nourriture, épuisés, ils subsistent en mangeant des dattes.
Dans le dernier hôpital du secteur rebelle, certains des dizaines de blessés et de malades commencent à succomber, selon des médecins sur place.
Le correspondant de l'AFP a constaté dans l'établissement des conditions désastreuses, avec des malades et des blessés allongés sur le sol, sans eau, sans nourriture et pratiquement sans chauffage.
Un physiothérapeute, Mahmoud Zaazaa, a confié à l'AFP qu'il ne restait plus dans la zone "que trois médecins, un pharmacien et trois infirmiers".
A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU se prononcera lundi (14H00 GMT) sur un nouveau projet de résolution prévoyant l'envoi d'observateurs à Alep pour superviser les évacuations, un texte qualifié de "bon" par l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine.
Moscou -grand allié de Damas- a toujours opposé son veto aux résolutions concernant la Syrie mais l'ambassadrice américaine Samantha Power a cette fois dit s'attendre à un "vote unanime".
Une fois l'évacuation terminée à Alep, le régime syrien devrait proclamer la reprise totale de la ville, signant sa plus importante victoire dans la guerre sanglante qui déchire le pays depuis 2011 et a fait plus de 310.000 morts.
Avec AFP