Les forces de Bagdad s'imposent face aux Kurdes dans la province de Kirkouk

Un membre des forces de sécurité irakiennes descendant le drapeau kurde à Kirkouk, Irak, le 16 octobre 2017.

En 24 heures, les forces irakiennes ont repris pied dans la province de Kirkouk, investissant le siège du gouvernorat et un champ pétrolier, le tout sans combattre ou presque face à des peshmergas victimes des divisions entre les deux grands partis kurdes.

Avec en prime une base et un aéroport militaires, les forces de Bagdad avaient atteint lundi soir presque tous leurs objectifs affichés dans cette province disputée avec le Kurdistan irakien autonome du président Massoud Barzani,

Symboliquement, les portraits de celui-ci ont été aussitôt retirés à Kirkouk.

La riche province de Kirkouk (nord-est), qui ne fait pas partie du Kurdistan irakien, est au coeur d'un contentieux entre Bagdad et Erbil que le récent référendum sur l'indépendance kurde du 25 septembre a encore exacerbé.

En hissant le drapeau irakien devant le siège du gouvernorat, à la place du drapeau kurde, Bagdad a voulu marquer le retour de son autorité dans cette province. Son gouverneur, le Kurde Najm Eddine Karim, avait décidé d'y organiser le référendum kurde, contre l'avis de Bagdad, qui l'avait ensuite limogé.

Du côté de la communauté internationale, le président américain Donald Trump a affirmé que les Etats-Unis "ne prenaient pas parti" dans cette crise. Washington est néanmoins "très inquiet" de la violence à Kirkouk, a souligné lundi soir Heather Nauert, la porte-parole du département d'Etat américain.

'Des mouvements, pas des attaques'

"Nous exhortons toutes les parties à éviter les provocations qui peuvent être exploitées par les ennemis de l'Irak ayant intérêt à attiser un conflit ethnique et confessionnel", a-t-elle insisté.

Dans un communiqué, la Haute représentante de l'UE Federica Mogherini a indiqué "attendre de toutes les parties qu'elles s'assoient autour d'une table de négociation".

Lundi, à l'arrivée des forces irakiennes dans la ville multi-communautaire de Kirkouk, chef-lieu de la province, des familles entières ont fui les quartiers kurdes vers le Kurdistan irakien.

La faute aux "politiciens à Erbil et Bagdad qui se sont affrontés pour le contrôle du pétrole", a affirmé Himen Chouani, 65 ans, parti avec sa famille: "Les victimes, c'est nous, les habitants de Kirkouk".

La police a pourtant assuré que la situation était stable et appelé les habitants partis à revenir.

Depuis dimanche, l'armée irakienne a donc repris plusieurs zones et infrastructures de la province de Kirkouk, dont les Kurdes s'étaient emparés en 2014 dans le chaos né de la percée fulgurante de l'organisation djihadiste Etat islamique (EI).

Dans son point de presse lundi, le colonel Rob Manning, porte-parole du Pentagone, a confirmé qu'il y avait des soldats américains des deux côtés "dans la région de Kirkouk". Mais il a assuré que la reprise de Kirkouk s'était faite "par des mouvements coordonnés, et non des attaques".

A l'exception de tirs d'artillerie dans la nuit, la progression des forces gouvernementales irakiennes a de fait été facilitée par le retrait des combattants kurdes (peshmergas) de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK).

Cette offensive a fait éclater au grand jour la crise qui couvait entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, l'initiateur du référendum d'indépendance, et l'UPK, qui préférait engager des négociations avec Bagdad sous l'égide de l'ONU.

Le sud de la province de Kirkouk était jusqu'alors tenu par des peshmergas affiliés à l'UPK, tandis que le PDK contrôlait le nord et l'est.

Conseiller du président Barzani, Hemin Hawrami a dénoncé sur Twitter des "problèmes internes et des accords ambigus" qui ont mené "des commandants à ordonner à leurs peshmergas de quitter leurs positions".

Les peshmergas insultés

Des vidéos ont montré des convois de peshmergas de l'UPK abandonnant leurs positions sous les crachats et les jets de pierre d'habitants.

Pour le Premier ministre Haider al-Abadi, le référendum kurde du 25 septembre avait créé un "risque de partition" de l'Irak et il était de son "devoir constitutionnel (...) d'imposer la sécurité et l'autorité fédérale" à Kirkouk.

Tôt lundi matin, le Commandement conjoint des opérations (JOC), qui regroupe les forces irakiennes engagées, a annoncé la reprise de "la base militaire K1", la plus importante de la province de Kirkouk. En 2014, les peshmergas avaient pris cette base, obligeant les soldats à livrer armes et uniformes.

Selon le JOC, les forces irakiennes ont ensuite "pris le contrôle de l'aéroport militaire de Kirkouk", "du quartier général de la North Oil Compagny" (NOC) --institution publique en charge du pétrole-- et "du champ pétrolier de Baba Gargar".

Les combattants kurdes ne contrôlent plus que cinq des six champs pétroliers de la région de Kirkouk, qui fournissent 340.000 des 550.000 barils par jour (b/j) qu'exporte en moyenne le Kurdistan irakien, contre l'avis de Bagdad.

Le pompage des deux principaux champs --Havana et Bay Hassan-- a cependant cessé lundi après-midi, selon un haut responsable du ministère irakien du Pétrole, les "techniciens kurdes ayant quitté les puits avant l'arrivée des forces irakiennes".

Avec AFP