Les forces du Tigré accusées de commettre des exactions contre les civils en Amhara

Des Éthiopiens déplacés de différentes villes de la région d'Amhara attendent des distributions d'aide dans un centre pour personnes déplacées à Debark, dans la région d'Amhara, au nord de l'Éthiopie, jeudi 26 août 2021.

D'après divers témoignages recueillis par l'agence Associated Press, les forces du Tigré s'en prennent désormais aux civils de la région voisine d'Amhara en guise de représailles pour les exactions subies par leur peuple aux mains des troupes fédérales éthiopiennes et de leurs alliés.

Plus d'une douzaine de témoins font état de tueries de civils, de bombardements de sites religieux, des pillages de magasins et même des centres de santé et des écoles. Ici comme au Tigré, le passage des combattants est suivi par la désolation chez les civils et le déplacement des centaines de milliers de personnes.

"C'est un mensonge de dire qu'ils ne visent pas les civils et les infrastructures", a déclaré Birhanu Mulu, directeur de l'hôpital de la ville de Nefas Mewucha, dans la région d'Amhara. Il ajoute que son équipe a dû transférer quelque 400 patients ailleurs pour qu'ils soient soignés après le saccage de l’hôpital par les combattants tigréens.

Escalade inexorable

Le conflit qui avait commencé en novembre 2020 comme une confrontation entre le gouvernement national d’Éthiopie et le leadership régional du Tigré s’est transformé progressivement en une guerre qui se propage en dehors du Tigré.

Les Tigréens ont fait état des viols collectifs, des massacres et des famines forcées perpétrés par les forces fédérales et leurs alliés d'Amhara et de l'Érythrée voisine. Le gouvernement américain avait sanctionné en août le chef de l’armée érythréenne, citant de graves violations de droits humains au Tigré.

Lors d’un point de presse vendredi, le coordinateur de l’aide humanitaire par intérim des Nations unies pour l'Éthiopie, Grant Leaity, a prévenu que la situation humanitaire dans le nord du pays va s'aggraver, en particulier dans le Tigré. Il déplore surtout le blocus imposé à la région qui rend quasiment impossible l’acheminement de grandes quantités d’aide, de nourriture, de médicaments ou d’argent.

M. Leaity a noté qu'environ 5,2 millions de personnes, soit 90 % de la population de la région du Tigré, ont besoin d'une aide humanitaire urgente. Il a ajouté que des millions de personnes sont sur le point de souffrir de la faim, dont 1,7 million de personnes dans les zones limitrophes des régions Afar et Amhara.

Inquiétudes américaines

A ce jour le conflit a déjà fait des milliers de morts, mais le nombre réel des victimes reste inconnu, parce que la plupart des voies de communication et de transport ont été coupées.

En juin, les forces du Tigré ont repris une grande partie de leur région d'origine lors d'un revirement stupéfiant, et les combats se sont maintenant étendus à l'Amhara. Furieux des attaques contre leurs communautés et leurs familles, les combattants sont accusés de prendre pour cible les civils de l'autre camp.

Les États-Unis, qui dénoncent depuis des mois les abus commis à l'encontre des Tigréens, ont vivement critiqué cette semaine les forces du Tigré.

"Dans la région d'Amhara, nous sommes au courant que les forces du Tigré ont pillé les entrepôts et causé une grande destruction dans tous les villages par lesquels elles sont passées", s’est indigné Sean Jones, un responsable de l'agence américaine USAID, à l’antenne de l'Ethiopian Broadcasting Corporation.

Mekdess Muluneh Asayehegn reçoit une formation de base après s'être portée volontaire pour rejoindre les milices pro-gouvernementales à Gondar, dans la région d'Amhara en Ethiopie, mardi 24 août 2021.

Ces rapports faisant état de représailles de la part des forces tigres risquent d'alimenter encore davantage le cycle de la violence. Déjà sur le terrain dans la région d'Amhara, des hordes se sont portées volontaires pour rejoindre l'armée nationale après que le premier ministre Abiy Ahmed ​a appelé tous les citoyens valides à participer à l'effort de guerre.

Au pouvoir depuis 2018, le Premier ministre s'était vu décerner le prix Nobel de la paix l'année suivante.