Les migrants se pressent en Italie, marqués par le cauchemar libyen

Migrants africains dans un centre de la Croix-Rouge italienne, Rome, le 5 octobre 2015 (Nicolas Pinault/VOA).

Les migrants se pressent toujours plus nombreux cet hiver sur les côtes italiennes, poussés en partie par les efforts des autorités européennes pour fermer la route libyenne mais surtout par des conditions cauchemardesques en Libye.

Plus de 2.700 personnes secourues dans la semaine au large de la Libye sont arrivées ces derniers jours en Italie, dont un nouveau-né venu au monde sur un navire de secours de la police norvégienne, portant le total de migrants à plus de 12.000 cette année, soit une hausse de 30 à 40% par rapport aux deux premiers mois de 2015 et 2016.

Même si le fait que les départs de Libye se fassent souvent par vagues rend délicate toute comparaison sur seulement quelques semaines, cette augmentation en plein hiver n'a rien d'anodin. En février 2015, une tempête avait coûté la vie à plus de 330 migrants, dont une vingtaine morts de froid pendant une opération de sauvetage dantesque.

La traversée avait tué une centaine de personnes l'année dernière à la même époque et cette année, l'ONU a déjà recensé près de 350 morts ou disparus. Il y a une semaine, les corps de 74 migrants ont été retrouvés sur une plage près de Tripoli.

'Les gens nous battaient'

"L'augmentation des arrivées (en Italie) est probablement due au fait que les conditions de vie deviennent toujours plus dangereuses en Libye", explique Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dont des représentants s'entretiennent avec les migrants à leur arrivée en Italie.

Un correspondant de l'AFP à bord du "Golfo Azzuro", un navire de secours de l'ONG espagnole Proactiva open arms, a ainsi pu recueillir cette semaine les témoignages de nombreux migrants sur les souffrances endurées en Libye.

"Les gens nous battaient tous les jours et nous suspendaient avec des cordes. Ce n'était pas facile, tous les jours des gens meurent", a insisté Sairon Kamara, originaire de Guinée.

Un autre Guinéen, Bari Mamadu, a raconté comment les passeurs obligent les migrants à appeler leur famille pour obtenir plus d'argent: "Quand tu composes le numéro, on te frappe pour que les parents entendent que tu pleures (...). Il y a cinq personnes avec des gros tuyaux et on te frappe, on te frappe, on te frappe jusqu'à ce que tu t'évanouisses".

'La Libye, c'est l'enfer'

"La Libye, c'est l'enfer (...). Ils nous traitent comme de la marchandise", a lancé Griselle, parti de Guinée-Bissau, en montrant des traces de coups de crosse et en racontant avoir vu une quinzaine de personnes mourir de faim ou sous les coups.

Cette semaine, 13 migrants ont été retrouvés morts asphyxiés dans un conteneur où ils étaient restés enfermés quatre jours en attendant d'embarquer.

Or tous n'étaient pas partis en Libye en visant l'Europe. Ainsi, l'Aquarius, affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), a secouru cette semaine un groupe de 75 Bangladais ayant gagné leur vie pendant quatre ans en Libye avant de se résoudre à fuir les violences qui secouent toujours le pays, six ans après la révolte contre Mouammar Khadafi.

Dans le même temps, les passeurs utilisent les efforts européens pour mettre fin à leur trafic comme un argument commercial pour inciter les hésitants à partir au plus vite.

Rome et Tripoli ont signé début février un memorandum d'accord pour parvenir à endiguer les flux, avec l'aide de l'Union européenne. L'Italie participe ainsi à la formation des gardes-côtes libyens et prévoit de leur fournir des vedettes rapides et du matériel.

"Les passeurs disent que dans quelques mois, ce seront les Libyens qui secourront les embarcations et ramèneront tout le monde en Libye. Et revenir en Libye est la dernière chose que les migrants veulent faire, alors ils pensent qu'il faut se dépêcher de partir", explique M. Di Giacomo.

Avec AFP