Les Nigérians demandent plus de transparence sur la santé du président

Le président de la Gambie, Yahya Jammeh, reçoit le président nigérian Muhammadu Buhari à Banjul, en Gambie, 13 janvier 2017.

Les Nigérians s'interrogeaient sur l'état de santé du président nigérian Muhammadu Buhari, qui a repoussé son retour de vacances au Royaume-Uni pour raisons médicales, laissant le champ libre aux pires rumeurs.

L'ancien général de l'armée, âgé de 74 ans, devait initialement reprendre le travail dans la matinée à Abuja, la capitale administrative du Nigeria.

Mais dimanche soir, son cabinet a annoncé qu'il prolongerait son séjour à Londres sur recommandation de ses médecins, en attendant les résultats d'une série d'examens médicaux effectués à l'occasion de ses congés.

Aucun calendrier n'a été communiqué concernant le retour prévu du président et aucun détail donné sur les examens subis par le chef de l'Etat, absent depuis le 19 janvier.

Le gouvernement nigérian peine à convaincre que le président se porte bien et a même dû démentir à plusieurs reprises des rumeurs persistantes sur les résaux sociaux et dans les médias, selon lesquelles il serait gravement malade, voire décédé pendant son séjour.

Le principal parti d'opposition, le People's Democratic Party (PDP), n'a pas hésité à surfer sur la polémique, affirmant que le peuple a le droit de savoir ce qui se passe, dans la mesure où M. Buhari utiliserait des fonds publics pour se faire soigner.

"Il devrait leur dire (aux Nigérians) quel est son véritable état de santé", a déclaré un cadre du PDP dans le quotidien Punch. "Il y a des dates fixées pour obtenir des résultats médicaux", a-t-il ajouté, suggérant que le président devrait déjà connaître sa date de retour.

A Abuja, où des dizaines de personnes ont manifesté lundi contre la politique économique de M. Buhari et demandé des solutions urgentes à la récession, beaucoup réclamaient davantage de transparence.

"Je me demande pourquoi le gouvernement n'est pas plus transparent au sujet de la santé de notre président", a expliqué à l'AFP Mabel, une manifestante, "nous sommes complètement dans le noir."

Pour James Badmus, un avocat, "la question est simple: qu'est-ce qui ne va pas exactement chez notre président et combien de temps sera-t-il absent?"

"Tout le monde peut tomber malade, mais quand un président tombe malade, ce ne devrait pas être une affaire confidentielle", a-t-il estimé.

Peur que l'Histoire se répète

La santé du chef de l'Etat est une question sensible au Nigeria. En 2010, le président Umaru Yar'Adua est décédé de problèmes rénaux, longtemps cachés au grand public.

Son hospitalisation à l'étranger avait déclenché des mois d'incertitude politique, jusqu'à sa mort qui a finalement porté au pouvoir le deuxième personnage de l'Etat, Goodluck Jonathan.

Certes, l'administration Buhari n'a pas caché le fait que le président devait se faire soigner: en juin 2016, son voyage à Londres pour soigner une infection persistante de l'oreille interne avait été rendu public.

Le président a également annoncé le mois dernier qu'il devait se soumettre à des "bilans de routine". Mais Buhari et son parti, l'All Progressives Congress (APC), n'ont pas réussi à mettre un terme aux rumeurs les plus pessismistes.

Pendant la campagne de 2015 remportée par M. Buhari, le PDP du président sortant Goodluck Jonathan affirmait par exemple qu'il avait un cancer de la prostate en phase terminale - pour persuader l'opinion qu'il était inapte à la fonction présidentielle.

Un des porte-parole du chef de l'Etat, Femi Adesina, a tenté dimanche de relativiser l'affaire, alors que les Nigérians colportent toutes sortes de théories plus ou moins plausibles sur les réseaux sociaux, diffusant des photos - à l'authenticité non vérifiée - où le président apparaît la mine affaiblie.

"Je suis sûr qu'il arrivera un moment où le président révèlera son état de santé si c'est nécessaire", a déclaré M. Adesina sur une chaine locale. Le vice-président Yemi Osinbajo assurant l'interim, il n'y pas de vacance du pouvoir, a-t-il ajouté.

Les Nigérians sont généralement méfiants envers les déclarations sur la santé de leurs dirigeants: outre Yar'Adua, ils se souviennent également du décès au pouvoir - officiellement d'une crise cardiaque - du militaire Sani Abacha en 1998.

"J'espère que l'histoire ne va pas se répéter", confie Adam, un fonctionnaire, "l'épisode de Yar'Adua est encore frais dans nos mémoires".

Victor Giwa, représentant d'une organisation de défense des droits de l'Homme, est sceptique: "S'ils ne peuvent pas nous révéler l'état de santé du président, cela montre qu'ils nous cachent beaucoup de choses".

Avec AFP