Régulièrement interrompu par les cris de manifestants, Brett Kavanaugh a rapidement abordé la question critique de sa loyauté au président américain qui l'a désigné candidat, devant la commission judiciaire au Sénat américain.
Un point d'autant plus crucial que l'enquête du procureur spécial, Robert Mueller, sur la campagne présidentielle de 2016, se rapproche du cercle proche de Donald Trump.
"La première qualité d'un bon juge dans notre système constitutionnel est l'indépendance", a déclaré d'un ton posé Brett Kavanaugh, âgé de 53 ans.
"Personne n'est au-dessus des lois dans notre système constitutionnel", a ajouté le juge, brandissant à plusieurs reprises un exemplaire écorné de la Constitution américaine.
Puis il a de lui-même cité parmi les "plus grands moments juridiques américains" l'arrêt US v. Nixon, qui avait forcé le président républicain, en 1974, à obéir à la justice en livrant ses enregistrements.
A une époque d'intense "pression politique, la Cour a défendu l'indépendance de la justice", a-t-il martelé, soulignant que le chef de la Cour suprême avait alors été nommé par Richard Nixon.
Mais lorsque la sénatrice démocrate Dianne Feinstein lui a demandé directement si un président en exercice devrait être forcé d'obéir à l'injonction d'un juge, Brett Kavanaugh a botté en touche.
"Je ne peux pas répondre à une question hypothétique", a-t-il dit, argument déjà utilisé par plusieurs précédents candidats à la Cour suprême pour éviter de trop s'avancer.
Pas assez, donc, pour convaincre les démocrates, qui s'inquiètent de l'opinion exprimée en 2009 par le juge Kavanaugh que lancer des poursuites judiciaires contre un président en exercice soulevait de "sérieuses questions constitutionnelles" car cela entraverait son travail.
Vision "effrayante" sur les armes
Sur l'avortement, ce catholique pratiquant, choisi par Donald Trump sur une liste approuvée par des associations conservatrices, a dit "comprendre l'importance de la question".
"Je ne vis pas dans une bulle", a-t-il ajouté.
Il s'est alors lancé dans un long argumentaire pour expliquer qu'il "respectait" profondément la valeur des précédents juridiques, notamment l'arrêt historique Roe v. Wade qui a légalisé l'avortement partout aux Etats-Unis en 1973. Mais sans, là non plus, expliciter s'il estimait que l'avortement était désormais établi en droit.
"Mes croyances personnelles ne sont pas pertinentes dans la façon dont je juge les dossiers", a-t-il martelé.
L'ex-candidate à la présidentielle, Hillary Clinton, a ironisé sur Twitter: "Si Brett Kavanaugh devient juge à la Cour suprême, aidera-t-il à éviscérer ou à revenir sur Roe v. Wade? (...) Bien évidemment qu'il le fera".
Puis interrogé sur son opinion controversée, en tant que magistrat, que les armes semi-automatiques ne pouvaient être interdites, il a déploré les fusillades ensanglantant régulièrement les écoles américaines mais a réitéré l'argument que ces armes étaient assez répandues pour être jugées d'usage courant.
Une vision "effrayante", a réagi sur Twitter le sénateur démocrate Bob Menendez.
Les questions les plus mordantes sont attendues dans l'après-midi, avec les sénateurs démocrates qui ont perturbé l'ouverture de l'audition, mardi, en exigeant dès les premières secondes, et à tour de rôle, son report.
Les républicains disposent d'une courte majorité (51-49) au Sénat, qui a le dernier mot sur les nominations présidentielles, à vie, à la Cour suprême. Ses neuf magistrats jouent un rôle crucial car ils tranchent sur les questions de société les plus brûlantes.
Grâce à cette majorité, la Maison Blanche s'attend à une confirmation rapide. Mais une poignée de sénateurs pourrait faire basculer le vote dans un sens ou dans l'autre: deux républicaines défendant le droit à l'avortement et trois à cinq démocrates faisant face à une dure réélection dans des Etats pro-Trump.
Juge depuis plus d'une décennie à la Cour d'appel de Washington, Brett Kavanaugh avait auparavant travaillé à la Maison Blanche en tant que conseiller du républicain George W. Bush.
Jeune avocat à la fin des années 1990, il avait participé à la rédaction du rapport du procureur Kenneth Starr, portant notamment sur la relation extra-conjugale que Bill Clinton avait eue avec une stagiaire, Monica Lewinsky.
Avec AFP