Les victimes des coulées de boue pourraient se venger dans les urnes en Sierra Leone

Une femme vote lors des élections générales, à Freetown, le 7 mars 2018.

Le visage de Francis Kanu s'assombrit lorsqu'il se remémore le jour de la coulée de boue meurtrière en août dernier sur Freetown et les mois suivants à attendre une aide du gouvernement sierra-léonais qui n'est jamais arrivée.

Maintenant, dans la file d'attente pour les élections présidentielle, législatives et communales de mercredi, il va prendre sa revanche contre le parti au pouvoir, le Congrès de tout le peuple (APC), en votant pour le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), principale formation d'opposition.

"La façon dont ils m'ont traité ne m'a vraiment pas fait de bien", souffle-t-il, se faisant l'écho d'un sentiment commun aux habitants de Regent, un quartier en périphérie de Freetown, où 400 personnes ont été tuées. Au total, plus d'un millier d'habitants de la capitale sierra-léonaise ont été ensevelis par les coulées de boue.

L'APC espère obtenir cinq années de plus au pouvoir mais nombre de citoyens sont lassés par une mauvaise gestion de crises successives, incluant l'épidémie d'Ebola et la disparition de fonds donnés par l'aide internationale pour lutter contre cette épidémie.

"Un gros rocher est tombé sur mon frère, il est mort", se souvient Kanu.

Se retrouvant sans maison, et sans aide gouvernementale pour se reloger, le gardien de 28 ans vit maintenant chez un ami. Sa femme et leur bébé sont partis en province, où la vie quotidienne est moins chère.

Face aux "belles promesses" électorales, jamais tenues, le père Joseph Emmanuel Bangura espère que cette élection "fera une petite différence. Les gens deviennent conscients maintenant des problèmes"

Son église a aidé les habitants démunis après la coulée de boue. "Beaucoup se sont retrouvés sans maison, nous les avons parfois aidés en payant un an de loyer à l'avance", explique-t-il.

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Une profonde et longue balafre orange est toujours visible à flanc de montagne et les experts estiment que ce scénario catastrophe pourrait se répéter rapidement.

"Nous avons besoin de changement. Je ne suis plus un enfant, je sais ce qui est bien et ce qui est mal", s'exclame Mohammed Kargbo, dans la file d'attente devant le bureau de vote.

Il a aussi perdu sa maison, un ami l'héberge, il "n'a rien reçu" du gouvernement et se prépare lui aussi à voter pour le SLPP.

Fatmata Kamara se souvient "d'un grand bruit, d'arbres arrachés, de pierres tombant partout", avant que sa maison ne soit submergée.

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Elle est cependant revenue vivre dans une zone toujours considérée comme dangereuse, et a réussi à trouver de l'argent pour se loger avec ses cinq enfants.

Mais elle votera pour le parti que les chefs locaux lui indiqueront sinon, dit-elle, elle aura "des problèmes".

Avec AFP