Libye : la ville de Derna à la recherche de milliers de disparus

Des cadavres des victimes de la tempête et des fortes pluies qui ont frappé la Libye, à Derna, le 12 septembre 2023.

Secouristes et volontaires s'activent vendredi à la recherche de milliers de personnes portées disparues à Derna, après des inondations meurtrières rappelant un tsunami qui ont dévasté la ville côtière de l'Est de la Libye.

"On a toujours espoir de trouver des survivants", a déclaré à Genève Tamer Ramadan, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), se refusant à donner un bilan humain cinq jours après la catastrophe.

Des images diffusées jeudi soir par la télévision libyenne Al Masar ont d'ailleurs montré un secouriste parlant à une victime piégée sous les décombres d'un immeuble effondré à Derna.

Le responsable de l'ONU pour les situations d'urgence, Martin Griffiths, a également estimé qu'on ne connaissait "toujours pas l'étendue" exacte de la catastrophe humanitaire.

Outre les dégâts considérables, des responsables du gouvernement de l'Est de la Libye touché par les inondations, non reconnu par l'ONU, évoquent au moins 3.000 morts, mais beaucoup craignent un bilan beaucoup plus lourd.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a fait état de plus de 38.000 déplacés dans l'Est, dont 30.000 à Derna. "Au moins 10.000" personnes sont en outre portées disparues, selon l'ONU.

Le travail de secours et de recherche est rendu d'autant plus compliqué que le pays est plongé dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, avec deux gouvernements rivaux, celui reconnu par l'ONU étant basé dans la capitale Tripoli, à l'ouest.

Le déferlement d'eau dans la nuit de dimanche à lundi, provoqué par la tempête Daniel, a rompu deux barrages en amont, provoquant une crue violente de l'oued qui traverse la ville et des flots de plusieurs mètres de haut, selon des témoins.

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A Derna, en Libye, les rescapés des inondations cherchent encore leurs proches

"Emportés par les flots"

Selon un photographe de l'AFP sur place, le centre-ville de Derna ressemble désormais à un terrain aplati par un rouleau compresseur. Les arbres ont été déracinés, les immeubles et les ponts détruits.

"L'eau était chargée de boue, d'arbres, de morceaux de fer, les flots ont parcouru des kilomètres avant d'envahir le centre-ville et d'emporter ou ensevelir tout ce qui se trouvait sur leur chemin", a déclaré à l'AFP Abdelaziz Bousmya, 29 ans, qui vit dans un quartier épargné par les inondations.

"J'ai perdu des amis, des proches. Ils sont soit ensevelis sous la boue, soit ont été emportés (...) vers la mer", a-t-il ajouté.

Selon lui, les autorités libyennes n'ont pas pris les mesures nécessaires pour se prémunir de la catastrophe, se contentant d'ordonner aux habitants de rester chez eux en prévision de la tempête.

Depuis, des dizaines de corps sont découverts chaque jour et enterrés parfois dans des fosses communes. De nombreuses personnes ont été emportées vers la mer Méditerranée qui a rejeté des dizaines de cadavres, faisant craindre des épidémies liées à leur décomposition, selon les autorités sanitaires.

L'ONU, les Etats-Unis, l'Union européenne et de nombreux pays de la région ont promis de l'aide. Des équipes de secours étrangères sont déjà à l'oeuvre à la recherche d'éventuels survivants.

Deux avions affrétés par le service d'aide aux sinistrés du ministère de l'Intérieur allemand ont notamment atterri jeudi à l'aéroport d'Al Abraq, dans l'Est de la Libye, avec à leur bord 30 tonnes de matériel (tente, lits de camp, couvertures, matelas, etc.)

Lire aussi : Inondations en Libye : plus de 3.800 morts selon le dernier bilan

Dilemme

Les autorités se retrouvent face à un dilemme: garder les cadavres dans l'attente de leur identification ou les enterrer rapidement pour éviter leur décomposition, la capacité des morgues étant très limitée.

"Nous essayons de (...) relever des échantillons ADN et prendre des photos des victimes avant de les enterrer pour aider à leur identification plus tard", a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur du gouvernement de l'Est, le lieutenant Tarek al-Kharraz, à une télévision locale.

Le Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha) a lancé un appel de fonds de plus de 71 millions de dollars pour venir en aide immédiatement aux quelque 250.000 personnes les plus touchées par les inondations. Il a estimé par ailleurs à quelque 884.000 le nombre de personnes affectées directement par la catastrophe.

De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir commencé à fournir une aide alimentaire à plus de 5.000 familles déplacées par les inondations, précisant que des milliers d'autres à Derna sont "sans nourriture ni abri".