En proie au chaos et aux divisions depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye compte deux autorités se disputant le pouvoir. Basé à Tripoli, le gouvernement d'union nationale (GNA), issu d'un accord parrainé par l'ONU, est reconnu par la communauté internationale.
Mais dans l'Est, une autorité rivale ne reconnaît pas sa légitimité et continue d'exercer le pouvoir sur de vastes portions de territoire. Cette autorité dispose de ses propres forces armées commandées par le controversé maréchal Khalifa Haftar.
Les forces du maréchal Haftar ont réussi à s'emparer il y a une semaine des quatre terminaux de la région du Croissant pétrolier (nord-est): Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra qui étaient jusqu'alors contrôlés par la milice des Gardes des installations pétrolières (GIP), alliée au GNA.
Cette milice a toutefois "lancé une offensive ce matin (dimanche) et nos forces les combattent à Ras Lanouf", un des terminaux, a indiqué à l'AFP Mohamad Ibset, un responsable des forces liées au maréchal Haftar.
Tentative de reprise des terminaux
De son côté, le colonel Moftah al-Magarief, commandant des troupes chargées par Khalifa Haftar de surveiller et protéger les installations pétrolières, a affirmé que ses combattants "ont repoussé une attaque lancée par des 'milices' (...) avec l'aide de groupes hors-la-loi depuis l'ouest de la Libye jusqu'à la région de Ras Lanouf".
"Nous les avons pourchassés (...) et capturé certains d'entre eux", a-t-il ajouté.
Un porte-parole des GIP, Ali al-Hassi a confirmé à l'AFP que cette milice avait "attaqué al-Sedra et Ras Lanouf".
L'AFP n'a pu contacter aucune source indépendante dans la zone des combats.
Dans un pays où les exportations de brut représentent la principale ressource économique, les terminaux du Croissant pétrolier sont depuis 2011 au coeur de toutes les luttes de pouvoir.
Le GNA tablait sur une reprise des exportations pétrolières pour renflouer les caisses de l'Etat, améliorer les services publics et tenter ainsi d'asseoir une légitimité chancelante. Le fait que les milices des GIP l'aient rejoint avait semblé un pas important pour réaliser cet objectif.
Mais la prise de contrôle des terminaux par l'autorité rivale au GNA a rendu la situation confuse.
Tout en se disant loyale au GNA, la Compagnie nationale du pétrole (NOC) a affirmé que les exportations allaient reprendre. Elle a affirmé qu'elle appliquait ainsi les "instructions données par le Parlement" basé dans l'Est et qui est fidèle aux autorités rivales du GNA.
En cas de reprise des exportations, la grande question sera de savoir à qui iront les recettes collectées: au GNA de Tripoli ou aux autorités de l'Est?
Nouvel appel au dialogue
L'émissaire américain en Libye Jonathan Winer a déclaré mercredi soir à l'AFP que son pays soutenait la reprise des exportations pétrolières tant que les recettes reviennent exclusivement au GNA.
Il a affirmé que la communauté internationale était prête à intervenir si ce dernier lui demandait de bloquer une cargaison qui pourrait bénéficier à l'autorité rivale.
L'émissaire avait appelé au retrait des forces militaires des zones autour des terminaux pétroliers, insistant sur la "nécessité du dialogue" car le conflit n'est "dans l'intérêt" de personne.
Le GNA, installé en mars à Tripoli, a été créé en vertu d'un accord signé fin 2015 sous l'égide de l'ONU qui consacrait la mise à l'écart du puissant général Haftar.
La prise des terminaux par ses forces pourrait constituer, pour ce général, un moyen de pression sur l'ONU pour qu'elle amende, avec le GNA, l'accord de 2015 et l'intègre ainsi dans le jeu politique.
Dans un pays sous la coupe de puissantes milices, qui obéissent à leurs propres intérêts -qu'ils soient d'ordre idéologique, tribal ou financier-, les alliances peuvent basculer.
Réagissant dimanche sur Twitter aux nouveaux affrontements autour du Croissant pétrolier, Peter Millett, ambassadeur du Royaume Uni en Libye, a déclaré que "la reprise des combats autour des installations du Croissant pétrolier est mauvaise pour l'avenir de l'économie libyenne", incitant les Libyens à "résoudre leur différends par le dialogue".
Avec AFP