Qu'a obtenu le GNA?
Arrivé par la mer à Tripoli le 30 mars, le Premier ministre désigné et homme d'affaires tripolitain Fayez al-Sarraj s'était fixé pour objectif de réconcilier les Libyens en stabilisant un pays en plein chaos sur les plans politique, économique et sécuritaire.
Les premières semaines sont encourageantes puisqu'il rallie les principales institutions économiques ainsi que les villes et les groupes armés de l'ouest libyen. Il reçoit aussi le soutien de l'ONU, des pays voisins et de l'Europe avec la visite à Tripoli des chefs de la diplomatie italien, français ou britannique.
M. Sarraj "rencontre les acteurs politiques de tous bords" et "facilite un rapprochement" entre les institutions rivales, comme les deux Banques centrales et les deux branches de la compagnie nationale de pétrole (NOC), "l'épine dorsale de l'économie libyenne", souligne Karima Munir, spécialiste indépendante des questions libyennes.
Il ordonne aussi aux ministres désignés de gérer les affaires courantes malgré le peu de ressources disponibles et sans attendre le vote de confiance du Parlement basé à Tobrouk (est) qui lui est pourtant nécessaire.
L'initiative la plus notable est le lancement, le 12 mai, de l'opération militaire visant à reprendre la ville de Syrte, à 450 km à l'est de Tripoli, au groupe djihadiste Etat islamique (EI). Les forces soutenant le GNA ont rapidement encerclé les djihadistes à l'intérieur de la ville côtière, où ils résistent depuis.
Quels sont ses échecs?
Sur le plan politique, le GNA n'a pas su obtenir le soutien des autorités parallèles basées en Cyrénaïque, la grande région de l'est, qui refusent de lui céder le pouvoir. Elles s'appuient sur les forces loyales au général controversé Khalifa Haftar, critique virulent du GNA.
"La division entre l'est et l'ouest s'est creusée", estime Karima Munir. "A son arrivée à Tripoli, M. Sarraj aurait dû (...) continuer à faire pression sur le Parlement pour lui arracher un vote" de confiance, selon elle.
D'autre part, en dépit du soutien affiché par de nombreux pays, aucun d'entre eux n'a rouvert son ambassade à Tripoli ou son espace aérien aux avions libyens tandis qu'aucune compagnie aérienne étrangère n'a rétabli ses liaisons avec la Libye.
Pour de nombreux Libyens, la situation sécuritaire s'est détériorée en l'absence de forces de l'ordre dans les rues alors que les armes prolifèrent. Le nombre d'enlèvements pour rançons a augmenté.
Le bilan est sombre aussi sur le plan économique car les prix des marchandises de base continuent à augmenter tandis que le dinar libyen dégringole. Le dollar, dont le taux officiel est de 1,38 dinar, a atteint 4,55 dinars sur le marché parallèle. Il s'échangeait entre 3 et 3,50 dinars fin février.
"La crise de liquidités est probablement l'échec le plus grave qui montre l'incapacité du GNA à contrôler l'économie", a indiqué à l'AFP l'expert Mattia Toaldo, du groupe de réflexion European Council on Foreign Relations.
Les coupures d'électricité sont toujours aussi fréquentes, longues et sans préavis, interrompant parfois le ravitaillement en eau.
"Non seulement leur vie quotidienne s'est détériorée (...) mais les Libyens se sentent comme des mendiants qui quémandent ce qui leur revient de droit", résume Karima Munir.
Quel avenir pour le GNA?
Dans un entretien à l'AFP, M. Sarraj a reconnu dimanche qu'il n'avait "pas de baguette magique" pour "sortir la Libye de ses crises". "Je suis confiant que nous allons surmonter cette épreuve, mais si un jour je perds cette foi, je ne resterai pas une minute", a-t-il averti.
Le patriotisme et la bonne volonté affichés par le GNA ne suffiront pas si sa légitimité politique n'est pas prochainement confortée par le Parlement.
Et ses efforts seront vains si la sécurité ne s'améliore pas. Or les milices sont toujours là. Elles changent d'étiquettes mais continuent à dicter la loi. "Sarraj tient une épée à double tranchant: il a besoin (des milices) pour assurer la sécurité alors qu'elles sont la cause même de l'insécurité", selon Mme Munir.
La reprise de Syrte à l'EI serait un succès pour le GNA qui pourrait lui permettre de renforcer sa crédibilité. Mais, en supprimant la menace d'un ennemi commun, il laisserait face à face l'est et l'ouest avec le risque d'un affrontement si une solution politique viable n'émerge pas.
Avec AFP