La population tchadienne baisse la garde face au coronavirus

Vue d'un maquis de la ville de N'Djamena, Tchad, le 3 août 2020. (VOA/André Kodmadjingar)

Certaines mesures barrières prises contre le coronavirus au Tchad sont comme tombées en désuétude. Les bars et alimentations rouvrent leurs portes alors que les mesures qui ferment ces établissements sont toujours en vigueur.

"La loi régule la société, mais il y a un adage qui dit, quand la loi ignore les réalités, les réalités se révèlent à la loi. C’est ce qui se passe en ce moment", s’exclame Djourninga Kaoutar Lazare, membre de la société civile tchadienne.

Pour lui, les mesures fermant les bars et alimentations ne sont pas adaptées à la réalité. Résigné, il propose aux tenanciers de débits de boissons de ne pas mettre quatre consommateurs autour d’une table, d’appliquer l’hygiène qui consiste à bien laver les verres, de mettre de la musique ou des spots publicitaires qui citent ces différentes mesures barrières. "Sinon, en tenant coûte que coûte à appliquer ces mesures à la lettre, cela va tuer aussi l’économie et si l’économie meurt, les gens doivent aussi mourir donc il faut voir comment faire pour vivre avec le Covid-19", a martelé M. Djourninga.

Lire aussi : Les réfugiés en territoire tchadien contribuent à la lutte contre le coronavirus

L'économie face à la sécurité sanitaire

Laldjim Narcisse Mbainadjii, analyste politique, rappelle que le coronavirus, un virus dangereux, n’a pas encore de traitement. Il faut d’autres mesures coercitives pour contrecarrer sa propagation.

Il note qu'au marché, par exemple, "il y a des gens qui ne portent pas de masque, ils se saluent sans gêne malgré l’insistance des autorités. Donc il faut encore des mesures plus fortes pour dissuader", a-t-il insisté.

Les tenanciers de bars sont conscients de cette situation mais évoquent un aspect social pour la réouverture de leurs portes. D’autres ont recours aux forces de l’ordre pour recadrer tout usager qui ne porte pas son cache-nez dans l’espace public.

"Quand on dit aux clients de se laver les mains et de porter les masques, ils refusent. Certains disent qu’ils respirent mal", explique un propriétaire.

D’autres disent qu’ils sont harcelés par leurs bailleurs. "C’est depuis plus de 5 mois qu’on est sans activité mais eux ils ont besoin de leur argent. Il y a nos gérants qui n’ont rien et quand nous ne vendons pas nos bières, comment nous allons les payer?", a justifié un tenancier de bar.

Lire aussi : Flambée des prix des aliments malgré le plafonnement annoncé aux Tchadiens

Violences policières pointées du doigt

La Commission nationale des droits de l’homme dénonce l’excès de zèle des forces de défense de sécurité qui frappent physiquement les citoyens qui ne portent pas de masque. Elle dit réserver le droit d’engager des poursuites contre tout agent qui aurait soumis la population à des sévices corporels ou à des traitements disproportionnés par rapport à d’éventuelles infractions.

Quelques consommateurs donnent aussi leurs avis sur la réouverture de ces débits de boissons.

"Qui a autorisé la réouverture de ces débits de boissons ? Si la maladie fait rechute encore là, on va faire comment? Maintenant je suis au cabaret et les gens ne respectent pas la distanciation sociale, ce n’est pas bien", a déploré un consommateur.

Un autre de renchérir: "le gouvernement a tout laissé et nous sommes devant la boisson sans la distanciation sociale; il y a des gens qui pensent même que la maladie est déjà éradiquée".

Contacté par VOA Afrique pour vérifier la levée des mesures fermant les débits de boissons et interdisant le regroupement de plus de 50 personnes, le coordonnateur national de riposte sanitaire, le Dr Choua Ouchemi, a poliment refusé tout commentaire.

Lire aussi : Les agents de sécurité tchadiens accusés de commettre des viols dans les commissariats