Cette visite, qui fait suite à une invitation fin septembre du roi Mohammed VI, "vise à marquer une nouvelle ambition pour les 30 ans à venir" dans la relation franco-marocaine, se félicite l'Elysée.
Les deux pays, forts d'un "partenariat enraciné et solide", ont une "volonté commune" de "raffermir les liens" qui les unissent, renchérit le cabinet royal.
Un ton résolument optimiste qui tranche avec la mésentente au sommet observée trois ans durant, ponctuée alors de campagnes contre la France dans les médias proches du pouvoir marocain.
"Ça commençait à devenir un peu personnel (entre le roi et le président). On réchauffe les relations, on met de côté les contentieux", résume Khadija Mohsen-Finan, politologue spécialiste du Maghreb.
Politique de "l'autruche" sur le Sahara occidental, "duplicité, "tropisme algérien", "trahison et félonie"... l'ancienne puissance coloniale était alors vouée aux gémonies.
Bientôt plus qu'un mauvais souvenir, escompte-t-on à Paris. La dernière visite d'Etat d'un président français dans ce pays allié du Maghreb remonte à François Hollande en avril 2013.
Emmanuel Macron, qui y avait effectué une visite de travail en 2017 au tout début de son premier mandat, avant d'y retourner en 2018 pour inaugurer la ligne de train à grande vitesse Tanger-Casablanca avec le roi, boucle ainsi la boucle.
- "Souveraineté marocaine" -
Pour marquer ce temps fort, le président et son épouse Brigitte seront accompagnés d'une imposante délégation, dont les ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et des Armées Sébastien Lecornu.
Mohammed VI accueillera son hôte en personne à l'aéroport au son de 21 coups de canon. Les deux chefs d'Etat rejoindront ensuite le Palais royal à bord d'une voiture d'apparat pour un entretien en tête-à-tête suivi d'une signature d'accords (énergie, eau, éducation, sécurité intérieure).
Mardi, le roi donnera aussi un dîner d'Etat en l'honneur du président et son épouse. Le même jour, Emmanuel Macron prononcera une allocution devant le Parlement et assistera à des signatures de contrats lors d'un forum entrepreneurial.
La lutte contre l'immigration illégale, pomme de discorde entre les deux pays, et le Sahara occidental seront au cœur de la visite.
Cette ex-colonie espagnole, considérée comme un "territoire non autonome" par l'ONU, oppose depuis un demi-siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.
Après la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur ce territoire, Rabat a multiplié les pressions sur la France pour qu'elle en fasse autant.
Le 30 juillet, Emmanuel Macron a fini par considérer que l'avenir du Sahara occidental s'inscrivait "dans le cadre de la souveraineté marocaine", ouvrant la voie à un réchauffement avec Rabat et par ricochet à une nouvelle crise avec Alger.
Sur l'immigration, le nouveau Premier ministre français Michel Barnier entend reprendre les discussions, "dans un esprit de dialogue", pour faciliter les retours dans leur pays des Marocains frappés d'expulsion en France.
"On ne le fera pas de manière agressive, mais en mettant à plat tous les outils de la coopération bilatérale", promet-il. En septembre 2021, Paris, pour faire plier le Royaume sur ce sujet, avait décidé de réduire de moitié les visas accordés aux Marocains, ce qui avait été très mal vécu par Rabat.
- "Hub" -
Le Maroc, puissance régionale, a "vocation à constituer un hub entre l'Europe et l'Afrique", stratégique mais aussi en termes d'infrastructures, avec notamment des projets de connectivité électrique, relève par ailleurs l'Elysée.
"La France va s’appuyer sur le Maroc en Afrique et au Sahel", où elle a beaucoup perdu en influence là où le royaume ne cesse d'en gagner, estime Khadija Mohsen-Finan.
Le réchauffement franco-marocain ouvre de nouvelles perspectives pour les entreprises françaises, qui faisaient profil bas devant l'accumulation de contentieux.
Airbus Helicopters pourrait ainsi vendre 12 à 18 Caracal aux Forces armées marocaines à l'occasion de la visite, selon des sources concordantes.
Le Maroc accueillera aussi la Coupe d'Afrique des nations (CAN) en 2025 puis la Coupe du monde de foot en 2030, autant d'occasions pour la France de proposer son expertise après les JO de Paris, notamment en matière d'infrastructures.
La France est le premier investisseur étranger au Maroc avec près de 1.000 entreprises, dont la quasi-totalité du CAC 40. Mais la Chine et l'Espagne y montent aussi en gamme.