8-Mai: l'Algérie va célébrer sa première "Journée de la Mémoire"

Les troupes de la gendarmerie prenant position devant le bâtiment de la délégation générale toujours occupée par les généraux français qui ont mené le putsch contre la politique du général Charles De Gaulle, le 26 avril 1961.

L'Algérie célèbre samedi sa première "Journée nationale de la Mémoire" pour honorer les victimes de la répression sanglante par la France de manifestations indépendantistes le 8 mai 1945, au moment où Alger attend de Paris la reconnaissance des "crimes du colonialisme".

Cette commémoration a été décidée il y a un an par le président Abdelmadjid Tebboune "en reconnaissance des énormes sacrifices consentis par le peuple algérien lors des massacres du 8 mai 1945 et du déclenchement de la Guerre de libération nationale le 1er novembre 1954".

M. Tebboune avait alors qualifié de "crimes contre l'humanité" les tueries perpétrées par les forces de l'ordre françaises dans le Constantinois (Sétif, Guelma et Kherrata) et les exactions de la période coloniale (1830-1962).

Il avait parallèlement annoncé le lancement d'une chaîne de télévision "spécialisée en histoire", ayant vocation à constituer "un support pour le système éducatif dans l'enseignement de cette matière que nous voulons maintenir vivace pour toutes les générations".

Lire aussi : Archives de la guerre d'Algérie: un geste "très positif"

La chaîne publique Eddakira ("Mémoire") a été lancée le 1er novembre 2020.

La "Journée de la Mémoire" a été instituée par une loi adoptée à l'unanimité le 23 juin 2020 par l'Assemblée populaire nationale (APN).

Sous le slogan "Une mémoire qui refuse l'oubli", les festivités officielles doivent se dérouler samedi à Sétif, à 300 km à l'est d'Alger.

Le programme des célébrations prévoit une conférence sur "les crimes coloniaux dans le monde" et une exposition sur la "mémoire nationale" organisée par le musée du Moudjahid (combattant) de Sétif.

Est également prévue une reconstitution de la marche historique il y a 76 ans dans les rues de cette ville jusqu'à l'endroit où est tombée la première victime de la répression, le jeune scout musulman Bouzid Saâl, le drapeau algérien à la main.

Ce jour-là le défilé célébrant à Sétif la victoire des Alliés sur le nazisme se transforme en manifestation pour "l'Algérie libre et indépendante" et tourne à la tragédie, déclenchant des émeutes et une répression très brutale qui fera des milliers de morts.

Lire aussi : Guerre d'Algérie: Macron reconnaît qu'Ali Boumendjel a été "torturé et assassiné" par l'armée française

"Crime contre l'humanité"

Les Algériens font état de 45.000 morts dans les émeutes du Constantinois, et les historiens français de quelques milliers à 20.000, parmi lesquels 103 Européens.

Au-delà de la querelle sur le nombre de victimes, l'enseignement de l'histoire de l'indépendance algérienne reste l'apanage de l'Etat.

Cette journée de commémoration survient alors que le président français, Emmanuel Macron, a engagé ces derniers mois une série d'"actes symboliques", afin de tenter de "réconcilier les mémoires" entre les deux rives de la Méditerranée, à l'approche du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie (1962).

Un rapport remis en janvier par l'historien Benjamin Stora suggère plusieurs gestes dans ce but. Il a toutefois été très fraîchement accueilli à Alger et n'a suscité jusqu'à présent aucun geste de réciprocité côté algérien.

"La politique de reconnaissance engagée par le président Macron va se poursuivre. Plusieurs recommandations fortes du rapport Stora vont être mises en oeuvre", indique une source française proche du dossier.

La question mémorielle reste au coeur des rapports souvent passionnels entre l'Algérie et l'ancienne puissance coloniale.

"Un bilatéral prisonnier du contentieux mémoriel", constate jeudi le quotidien francophone Reporters, en réclamant que "la France sorte de son silence concernant les massacres du 8 mai 1945 et qu'elle reconnaisse ses crimes".

Les relations bilatérales ont connu un nouveau coup de froid après l'annulation sine die d'un déplacement début avril à Alger du Premier ministre français, Jean Castex, à la demande expresse des hôtes.

Des médias algériens ont ensuite accusé Paris de "provocation", tandis que le ministre du Travail, El-Hachemi Djaâboub, qualifiait la France "d'ennemi traditionnel et éternel" de l'Algérie.

Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d'Algérie, avait alors jugé que la volonté de réconciliation des mémoires entre Français et Algériens était "très largement partagée" malgré "quelques résistances" en Algérie.

En visite à Alger en février 2017, alors qu'il était candidat à la présidence, M. Macron avait qualifié auprès d'un média local la colonisation de l'Algérie de "crime contre l'humanité" et de "vraie barbarie". Ce qui lui avait valu de vives critiques de responsables politiques de droite.