L’ancien patron de la territoriale dresse un bilan sombre de ce qu’il qualifie des "décennies d’immobilisme et de renoncement ".
Pour lui, le Cameroun est devenu "un pays faible, assisté sur le plan économique et militaire ". Il présente en outre le Cameroun comme un pays dont le modèle économique fabrique "les chômeurs".
Le chômage élevé des jeunes 50% et la pauvreté touche plus de 8 millions de Camerounais, mentionne t- il dans sa tribune.
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M. Marafa renvoie les Camerounais au constat selon lequel "les paroles du président Paul Biya sont rarement transformées en actes".
Il cite à titre d’illustration six projets du président Biya qui n’ont pas jusqu’ici abouti.
Le plus ancien de tous étant la création du conseil constitutionnel prévue par la loi fondamentale de 1996.
M. Marafa en déduit que "l’agencement institutionnel du Cameroun est obsolète, conçu il y a 60 ans".
C’est pourquoi, estime t- il, "il faut renoncer au régime semi-présidentiel" en vigueur au Cameroun, pour avoir désormais "un président responsable qui dirige ses ministres", sans un Premier ministre intermédiaire.
Marafa candidat à la présidence ?
Dans sa tribune, M. Marafa voile à peine ses ambitions de briguer un mandat à la tête de l’Etat en cas de remise en liberté.
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Il se met, dans sa tribune, en posture de candidat en campagne, énonçant par exemple les quatre vérités qui s’imposent au Cameroun pour "sortir de la dérive actuelle ".
D’ailleurs, "je suis écarté du débat politique depuis 6 ans ", déplore-t-il.
Mais, a-t-il ajouté, "s’il se taisait, l’on penserait qu’il manque de courage ou privilégierait sa libération au prix de son silence".
M. Marafa s'est prononcé pour la modification de la Constitution camerounaise afin de réintroduire le principe de la limitation des mandats présidentiels à deux - une limitation introduite en 1996 dans la Constitution mais abrogée en 2008 par l'Assemblée dominée par le parti au pouvoir.
Les particularismes anglophones.
Parlant de "2018, comme année utile pour le Cameroun", le célèbre prisonnier invite les Camerounais des zones anglophones à y contribuer.
Il balaie du revers de la main, le fédéralisme mais propose comme sortie de crise anglophone, le transfert des pouvoirs de l’Etat à un parlement et exécutif représentatif dans le Nord et Sud-Ouest du Cameroun. Prioritairement, "les domaines de santé, de l’éducation, de la formation, des services sociaux, de la justice", écrit Marafa Hamidou Yaya.
L’ancien patron de la Territoriale tacle l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun pour laquelle le gouvernement s’est endetté à hauteur de 800 milliards de francs CFA.
C’est une "dette stérile", commente M. Marafa, qui pense que le Cameroun a besoin d’investir ailleurs : les infrastructures, l’innovation et l’éducation.
Aucune réaction du gouvernement camerounais pour le moment en rapport avec la tribune de Marafa Hamidou.
Mais l’on se rappelle qu’Issa Tchiroma, le porte-parole du gouvernement camerounais, commentant l’une des productions épistolaires de Marafa Hamidou Yaya en milieu carcéral, avait recommandé aux journalistes de "ne pas lire les lettres de Marafa, de les déchirer avant de les brûler".
Ecroué pour soupçons de détournements
En 2012, il a été arrêté et écroué pour des soupçons de détournement de fonds publics. Plusieurs mois après, la justice l'avait reconnu coupable de "coaction de détournement" de 24 milliards de FCFA (plus de 36 millions d'euros) et condamné à 25 ans de prison, avant que la Cour suprême ne ramène à 20 ans d'emprisonnement ferme.
Marafa Hamidou Yaya avait été un puissant membre du gouvernement du régime actuel et a toujours clamé son innocence, estimant être en prison pour "des motifs exclusivement politiques". Plusieurs organisations des droits de l'homme ainsi que le Département d'Etat américain le considèrent comme un prisonnier politique.
Il avait occupé de hautes fonctions de l’Etat jusqu’ à être Secrétaire Général de la présidence de la république.
Et, révélait-il lui-même aux Camerounais, "il avait conseillé au Président Paul Biya de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de 2011". Estimant au passage qu’il en payait "aujourd’hui le prix".
Au lendemain de la victoire du Paul Biya, il sortait du gouvernement. Et le 16 avril 201, il est arrêté et condamné à 25 ans de prison ferme par le Tribunal criminel spécial pour coction de détournement de 31millions de dollars ( 24 milliards de francs cfa) destinés à l’acquisition d’un avion neuf pour les voyages du président du Cameroun.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé