Candidate pour la troisième fois à la magistrature suprême, l'ancienne avocate de 53 ans, fille de la figure historique de l'extrême droite française Jean-Marie Le Pen, a obtenu 10 points de plus que lors de l'élection de 2017, et plus du double du score de son père en 2002 face à Jacques Chirac.
Mais elle s'est heurtée dans la dernière ligne droite au réflexe du "barrage contre l'extrême droite", qui a poussé les électeurs à voter M. Macron, même par "obligation", pour ne pas tenter l'expérience d'une victoire de Mme Le Pen, qui aurait eu des conséquences majeures pour la France, au plan national et international.
Lire aussi : Présidentielle en France: Emmanuel Macron réélu avec 58,2 % des voixLa stratégie de "dédiabolisation" patiemment menée par Mme Le Pen depuis 10 ans semblait pourtant porter ses fruits.
La candidate a lissé et adouci son image et son discours, affichant le visage rassurant d'une "mère de famille" préoccupée par la défense des "plus vulnérables" et du pouvoir d'achat des Français.
Mais, sur le fond, son programme est resté toujours aussi radical, mettant au coeur la "priorité nationale" face aux immigrés dont elle entend réduire drastiquement le nombre et limiter l'accès aux prestations sociales. Elle veut aussi expulser les clandestins, criminels et délinquants étrangers, ceux qui sont soupçonnés de radicalisation ainsi que les étrangers sans emploi depuis plus d'un an.
La "priorité nationale" de Mme Le Pen s'applique aussi dans le domaine du droit. Elle entend inscrire dans la Constitution la primauté du droit français. Au détriment d'une Europe qu'elle affirme ne plus vouloir quitter, comme en 2017, mais envers qui elle nourrit une défiance marquée. De nombreux commentateurs estiment que la mise en oeuvre de son programme aurait conduit à un "Frexit déguisé".
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S'affranchir du père
Avocate de formation, Marine Le Pen a construit son implantation régionale dans le Nord du pays, longtemps acquis à la gauche, puis pris la présidence du parti de Jean-Marie Le Pen, le Front national, début 2011, écartant progressivement les vieux barons, et déconstruisant patiemment ce que le patriarche avait bâti à coup de harangues antisémites ou racistes, parfois condamnées en justice.
La "dédiabolisation" du FN est allée jusqu'à l'exclusion en 2015 du père, dont les propos étaient trop clivants pour permettre une victoire nationale. "J'ai adulé cet homme", confie-t-elle. "Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s'arrêter".
Le FN à sinistre réputation devint "Rassemblement national" en 2018, et fait depuis campagne sur son prénom, Marine, préféré à son patronyme lourdement connoté.
Elle a brouillé les lignes, se proclamant "meilleur bouclier" des Français juifs, arborant République et laïcité en étendard contre "le fondamentalisme islamiste", mais jugeant l'islam "compatible avec la République".
Après son échec en 2017, et un débat électoral d'entre deux tours désastreux où son impréparation et sa fébrilité étaient apparues évidentes face à Emmanuel Macron, Mme Le Pen a patiemment remonté la pente et poli son discours.
Se présentant comme une candidate rassembleuse de la "France tranquille", face à un Emmanuel Macron dont elle n'a cessé de dénoncer "la brutalité" et l'"arrogance".
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D'abord inquiétée par la percée d'un autre candidat d'extrême droite, Eric Zemmour, elle a profité en fait du discours radical et outrancier de l'ancien polémiste.
En ressassant ses thèmes identitaires, anti-immigration et anti-islam, M. Zemmour (7% au premier tour) a contribué à recentrer et modérer l'image de Mme Le Pen, qui a fait campagne sur le pouvoir d'achat, préoccupation première des Français au moment où la guerre en Ukraine fait s'envoler les prix.
Au plan international, Marine Le Pen est accusée par ses adversaires de complaisance avec la Russie de Poutine même si elle a condamné l'invasion de l'Ukraine.
Elle soutient l'idée d'"arrimer la Russie à l'Europe", afin que ce pays "ne parte pas dans les bras de la Chine". La candidate, qui a noué des liens personnels avec la Russie, a aussi cultivé des relations étroites avec des dirigeants d'Europe centrale, dont Viktor Orban en Hongrie.
Lors du débat télévisé d'entre-deux tours, M. Macron l'a accusée d'être "dépendante" de Moscou, notamment en raison d'un prêt de 9 millions contracté par le Rassemblement national auprès d'une banque russe. Elle a vigoureusement démenti, se qualifiant comme une "femme totalement libre".