Un ciel obstinément bleu et des agriculteurs en détresse: le risque de sécheresse suscite une grande inquiétude au Maroc, pays fortement dépendant de son secteur agricole qui affronte un sévère déficit des pluies affectant ses ressources en eau.
La saison agricole en cours est marquée par une importante baisse des précipitations, de "141 mm contre une moyenne de 254 mm au cours des 30 dernières années", soit un déficit de 44% par rapport à une année normale, a indiqué le ministre de l'Agriculture Aziz Akhannouch cette semaine lors d'une réunion au Parlement.
Lire aussi : Dans le Sud du Maroc, des oasis ancestrales menacées d'extinctionLes "retenues des barrages ont connu une baisse significative", a aussi souligné le ministre, tout en affirmant que l'état des récoltes d'automne restait "satisfaisant" mais dépendrait des précipitations à venir.
Secteur clé de l'économie marocaine, l'agriculture est le premier contributeur au Produit intérieur brut (14%), devant le tourisme et l'industrie.
Même si le royaume s'efforce de diversifier son économie, son PIB reste lié à ce secteur tributaire des caprices du climat et la croissance du pays varie chaque année selon les pluies.
De 4,5% en 2015, la croissance était descendue à 1,6% en 2016, du fait d'une intense sécheresse. Pour 2020, le Centre marocain de conjoncture table sur 1,5%, contre 2,7 l'an dernier.
- "Particulièrement dur" -
"Aujourd'hui avec une sécheresse aussi forte, combinée à un épuisement des ressources hydrauliques, il y a là une année particulièrement dure pour les agriculteurs et par conséquent pour l'économie", souligne Ahmed Lahlimi, le patron du Haut-commissariat au plan (HCP, chargé des statistiques officielles).
"L'impact va être d'autant plus dur que l'année dernière était déjà une année relativement sèche avec une récolte de céréales plus faible que la moyenne", selon lui.
En 2019, "nous avions enregistré une chute de la valeur ajoutée agricole de 3 à 4%. Cette année, elle sera probablement de l'ordre de 5%", estime-t-il dans un point avec l'AFP.
Alors que les petits éleveurs de bétail souffrent de la flambée des prix du fourrage, le ministre de l'Agriculture a annoncé mercredi le déblocage d'une enveloppe de 55 millions de dirhams (environ 5 millions d'euros) d'aide destinée notamment à approvisionner en orge les communes rurales reculées.
Un programme d'urgence plus global sera mis en place comme en 2016, "en fonction de l'évolution de la situation", a précisé M. Akhanouch devant les députés.
- "Pas grand chose" -
Pour l'instant, les mesures d'économie d'eau ne concernent que le sud du Maroc, où le niveau des barrages est particulièrement bas.
La raréfaction des ressources en eau est aggravée par la surexploitation des nappes phréatiques, alors que le Maroc figure sur la liste des pays au "stress hydrique "élevé", selon différentes études.
Avec le cumul des années de sécheresse, "les Marocains ont de quoi boire pour 6 à 10 millions de personnes (...) c'est-à-dire pas grand chose" pour un pays de 35 millions d'habitant, s'inquiétait un récent éditorial du quotidien l'Economiste.
Le royaume a lancé en janvier un vaste programme national d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation pour 2020-2027, doté de l'équivalent de 10,9 milliards d'euros.
En février, un programme baptisé "Génération Green 2020-2030" ambitionnant de faire émerger une "classe moyenne agricole" est venu remplacer le "Plan Maroc Vert", lancé en 2008 mais au bilan jugé mitigé.
A la sécheresse, s'ajoute une baisse attendue de la demande extérieure. "Le coronavirus nous frappe d'une manière indirecte. En s'attaquant à nos partenaires, il s'attaque à nous", estime le Haut-commissaire au plan.
Le Maroc est relativement épargné par l'épidémie de Covid-19, avec six cas confirmés et un décès, mais les annulations de voyages en cascade commencent à peser sur le secteur touristique, lui aussi vital pour l'économie du pays.
Le Salon international de l'agriculture du Maroc, rendez-vous phare de l'agriculture prévu du 14 au 19 avril, a été annulé par mesure de précaution sanitaire.