Massacre de 2009 en Guinée : prison à perpétuité requise contre l'ex-dictateur

Le procureur au procès historique du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée a requis mercredi la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité de l'ex-dictateur Moussa Dadis Camara et de plusieurs autres responsables de l'époque.

Le magistrat Alghassimou Diallo a refusé toute circonstance atténuante aux accusés en invoquant leur absence de regrets depuis l'ouverture en septembre 2022 de ce procès suivi par tout le pays, au tribunal, ou en direct à la radio et la télévision. Ils l'ont entendu sans broncher exposer les demandes du ministère public dans le profond silence de la salle.

Le procureur a demandé au tribunal de déclarer Moussa Dadis Camara coupable "des faits de crimes contre l’humanité par meurtres, assassinats, torture, séquestration, viols et responsabilité de supérieur hiérarchique". Il a réclamé que les faits soient également requalifiés contre les 11 autres accusés, dont un est jugé par défaut, et un autre s'est évadé de prison après l'ouverture du procès.

Alghassimou Diallo a requis contre Moussa Dadis Camara et six autres accusés la prison à vie assortie d'une période de sûreté de 30 ans au cours de laquelle ils ne pourraient bénéficier d'un aménagement de peine. Il a demandé des peines de 15 ans de réclusion contre trois autres accusés, et de 14 ans contre deux accusés.

Le procès devrait reprendre lundi avec les plaidoiries de la défense qui devraient durer plusieurs jours, avant que les juges ne se prononcent à une date encore indéterminée.

Les victimes attendent depuis des années que justice soit rendue et avaient commencé à désespérer avant que l'affaire ne finisse par venir devant un tribunal sous la junte au pouvoir depuis 2021.

L'une de ces victimes, Néné Aissatou Ndané Doumbouya, infirmière à la retraite violée au stade et laissée pour morte, a exprimé sa joie après l'audience. Quand elle a entendu les réquisitions, "le reste ne m'intéressait plus, tellement j'étais soulagée, ivre de bonheur".

Au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines blessées dans la répression d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de Conakry et ses environs le 28 septembre 2009 et les jours suivants, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Au moins 109 femmes ont été violées. Les chiffres réels sont probablement plus élevés.

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Valeur d'exemple

C'est l'une des pages les plus sombres de l'histoire moderne de la Guinée, qui n'en manque pas. Les trois représentants du ministère public qui se sont succédé pour présenter les réquisitions ont rappelé la brutalité effrénée des actes perpétrés.

L'un d'eux, Elhadj Sidiki Camara, a fondu en larmes quand il a évoqué la mère d'un bébé de trois semaines enlevée au stade et séquestrée pendant un mois par un militaire qui en a fait son esclave sexuelle.

"J’ai en mémoire ce médecin qui est venu avec la photo de sa mère découpée au milieu d’autres corps", a dit le procureur Diallo. Or "je n’ai senti le moindre remords sur le visage de ces accusés". "Les circonstances atténuantes s’accordent pour ceux-là qui ont regretté les actes qu’ils ont commis. Eux ? Vous ne devez même pas y penser, M. le président", a-t-il asséné.

Les accusés se sont rejeté la responsabilité des faits durant le procès. Moussa Dadis Camara a toujours argué avoir été dépassé par ses subalternes et a décliné toute responsabilité.

Les représentants du ministère public se sont inscrits en faux. Non seulement "il n’a rien fait pour que ce meeting ne soit pas réprimé. Au contraire, il l’a planifié", a déclaré le substitut Elhadj Sidiki Camara. Et par la suite il n'a pris aucune sanction contre ses hommes, a-t-il ajouté.

Le procureur a insisté sur la valeur d'exemple des condamnations requises. Des condamnations conformes au réquisitoire feraient "peser l'épée de Damoclès sur chacune des têtes des différentes composantes de la nation pour dire que le chemin qu'avaient emprunté ces accusés ici présents est un chemin interdit en droit", a-t-il estimé.

"On ne pouvait pas souhaiter mieux pour nos bourreaux, ils ont eu ce qu'ils méritent", a dit une victime, Aminata Camara, institutrice à la retraite, à un correspondant de l'AFP lui-même victime des évènements. "A partir de ce soir, je vais prier pour que le juge suive exactement la réquisition du procureur".