Le chef de l'Etat a annoncé mercredi soir avoir décidé d'emprunter cette "porte de sortie", moins d'une semaine après le rejet par les sénateurs, pourtant majoritairement favorables au pouvoir, du projet de révision, prévoyant la suppression du Sénat.
Mais l'opposition radicale réunie au sein du Forum national pour l'unité et la démocratie (FNDU), hostile à ce projet, a mis en garde contre un précédent qui pourrait faciliter à terme une éventuelle modification de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.
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" En général, notre opposition ou notre classe politique est plus habituée au boycott qu'à la participation surtout qu'ils se disent que c'est un projet qui ne bénéficie pas du soutien populaire, donc cela ne coûte rien de le boycotter" , explique sur VOA Afrique Mohamed Fall Omer, journaliste mauritanien.
"La +porte+ qu'il ouvre ainsi peut dangereusement conduire à lever les verrouillages sur le troisième mandat présidentiel", a déclaré à l'AFP le président du FNDU, Moussa Fall, en référence à la voie référendaire.
"C'est ni plus ni moins qu'un énième coup d'Etat de M. Ould Abdel Aziz", a-t-il déploré.
Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 2008, l'actuel président, un ancien général, a été élu en 2009, puis réélu en 2014 pour un second mandat de cinq ans.
Le projet de révision a été élaboré lors d'un dialogue entre le pouvoir et l'opposition dite modérée en septembre-octobre 2016.
Lors de la clôture de ce dialogue, M. Ould Abdel Aziz avait réaffirmé que la limitation des mandats resterait intangible, ajoutant qu'une "Constitution ne peut être changée pour des intérêts personnels", sans parvenir à faire taire les soupçons de l'opposition à ce sujet.
Le texte, largement approuvé le 9 mars par l'Assemblée nationale, a été repoussé le 17 mars au Sénat, par 33 voix contre et 20 pour.
Pour contourner cette "situation de blocage", le chef de l'Etat a déclaré mercredi soir qu'il allait soumettre le projet à "référendum conformément à l'article 38 de la Constitution".
Il n'a pas fourni de date mais a assuré que cette consultation serait organisée "le plus rapidement possible".
Le fait que 24 sénateurs de la majorité présidentielle aient voté contre le texte révèle un "dysfonctionnement dans notre démocratie", a affirmé M. Ould Abdel Aziz.
"Nous ne pouvons admettre que 33 sénateurs qui ont voté contre les amendements tiennent tout un peuple en otage", a-t-il ajouté.
M. Fall a appelé à "la mobilisation générale des Mauritaniens pour barrer la route à cette nouvelle folie et protéger la démocratie et la stabilité du pays".
"Nous estimons que c'est très dangereux, que l'article 38 sur lequel le président se base pour effectuer son passage en force ne s'y prête pas", a expliqué l'opposant, soulignant que la révision constitutionnelle était régie par les articles 99, 100 et 101, imposant "le passage obligé par le Parlement".
Le juriste Mohamed Lemine Ould Dahi a approuvé ce point de vue de l'opposition, invitant dans des déclarations de presse le président à "démissionner" pour tirer les conséquences de son "échec évident".
En revanche, le constitutionnaliste Vadhily Ould Rayess a estimé que M. Ould Abdel Aziz avait le droit de convoquer un référendum, même en cas d'échec de la voie parlementaire.
"Le président a le plein droit de recourir au référendum populaire sur la base de l'article 38 qui est une disposition non restrictive, indépendante et non limitée", a-t-il dit à l'AFP.
Cet article autorise le chef de l'Etat, "sur toute question d'importance nationale, saisir le peuple par voie de référendum".
L'article 99 dispose néanmoins que tout projet de révision constitutionnelle doit d'abord être voté à la majorité des deux tiers par l'Assemblée et le Sénat "pour pouvoir être soumis au référendum".
Outre la suppression du Sénat, qui serait remplacé par des Conseils régionaux élus, le projet prévoit celle de la Haute cour de justice, du médiateur de la République et du Haut conseil islamique.
Il propose également d'ajouter deux bandes rouges, symbolisant le sang versé par les "martyrs de la résistance", au croissant et à l'étoile jaunes sur fond vert figurant déjà sur le drapeau national.
Avec AFP