La Commission européenne espérait conclure avant ce sommet de l'UE un protocole d'accord avec Tunis pour mettre en oeuvre un "partenariat global" comprenant un volet migratoire. Avec l'objectif d'étendre ensuite ce type de partenariat à d'autres pays de la région méditerranéenne, comme l'Egypte. Mais les discussions avec Tunis, sensibles, n'ont pas pu aboutir à temps, et doivent reprendre lundi, après la grande fête musulmane de l'Aïd al-Adha.
Lire aussi : La justice britannique se prononce contre les expulsions de migrants vers le RwandaLe partenariat, qui comporte aussi un renforcement des liens économiques et commerciaux et une coopération en matière d'énergie verte, est assorti d'un soutien financier s'élevant à plus d'un milliard d'euros. Il avait été annoncé le 11 juin lors d'une visite à Tunis de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, accompagnée de la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, et de son homologue néerlandais, Mark Rutte. Il suscite toutefois les inquiétudes de quelques Etats membres en raison de la dérive autocratique du président Kais Saied.
L'aide européenne est en partie liée à l'octroi par le Fonds monétaire international (FMI) d'un crédit de 2 milliards de dollars en cours de négociation, assorti de conditions. Mais depuis la visite du trio, le président Saied répète que la Tunisie ne sera pas "le garde-frontière" de l'Europe et ne se pliera pas à ce qu'il qualifie de "diktats" du FMI.
Mark Rutte s'est toutefois montré optimiste. "Cela prend un peu plus de temps", mais "les discussions se poursuivent. Je m'attends à un bon résultat", a-t-il déclaré. Pour empêcher les traversées, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a aussi appelé à établir avec la Libye une coopération "similaire" à l'accord migratoire passé avec la Turquie en 2016.
Bateaux, radars et caméras
Dans le détail, l'aide européenne annoncée pour la Tunisie comprend un prêt pouvant aller jusqu'à 900 millions d'euros, mais aussi une aide budgétaire de 150 millions d'euros et un paquet de 105 millions d'euros pour la gestion de la migration pour 2023.
L'UE prévoit de livrer d'ici l'été des bateaux, radars mobiles, caméras et véhicules à la Tunisie pour l'aider à renforcer le contrôle de ses frontières maritimes et terrestres. Une coopération policière et judiciaire accrue est prévue pour lutter contre les réseaux de passeurs.
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L'accord vise aussi à renvoyer plus facilement en Tunisie les ressortissants de ce pays qui sont en situation irrégulière dans l'UE. L'UE finance en outre les retours "volontaires" de migrants d'Afrique subsaharienne depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine: 407 retours ont été ainsi financés depuis le début de l'année, selon la Commission.
La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l'île italienne de Lampedusa, enregistre de nombreuses tentatives de départ de migrants, originaires en majorité de pays d'Afrique subsaharienne, vers l'Italie.
Les arrivées sur les côtes italiennes sont en forte hausse: plus de 60.000 depuis le début de l'année (+133% par rapport à la même période en 2022), selon le HCR. La moitié de ces arrivées proviennent de Tunisie, le reste de Libye et de Turquie. La Méditerranée centrale – entre l'Afrique du Nord et l'Italie – est aussi la route migratoire la plus dangereuse au monde (plus de 20.000 morts depuis 2014 selon l'OIM).
Le 22 juin, une semaine après le naufrage au large du Péloponnèse d'un chalutier vétuste parti de Libye qui a fait au moins 82 morts et des centaines des disparus, une embarcation de migrants partie de Sfax en Tunisie a chaviré au large de Lampedusa, faisant une quarantaine de disparus. Ces drames ont fait resurgir les critiques d'ONG sur une politique migratoire européenne de plus en plus restrictive et l'absence de "voies légales de migration".
Devant le Parlement européen, des bénévoles du réseau Alarm Phone, ligne téléphonique d'urgence destinée à aider les migrants en danger en Méditerranée, organise depuis mercredi une lecture d'un millier de mails envoyés aux autorités italiennes, maltaises, grecques, espagnoles pour leur signaler des bateaux en détresse.
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"Souvent ces autorités ne prennent pas en charge ce qui est de leur devoir. Enormément de nos alertes restent sans réponse", souligne Constance Fischer, membre de ce réseau, dénonçant "la non-assistance extrêmement grave de l'Europe".