La visite du secrétaire d'Etat américain à Sotchi, sur la mer Noire, où il été reçu par le président russe après trois heures d'entretiens avec son homologue Sergueï Lavrov, constitue la rencontre au plus haut niveau entre responsables des deux puissances rivales depuis le sommet d'Helsinki de juillet. Le ton conciliant du président américain Donald Trump à l'égard du maître du Kremlin avait alors choqué la classe politique américaine.
"Nous avons dit à plusieurs reprises que nous voudrions rétablir des relations complètes", a assuré le président russe au début de la rencontre.
"Certains domaines de coopérations sont excellents, sur la Corée du Nord, l'Afghanistan et la lutte contre le terrorisme", a souligné de son côté Mike Pompeo. "Ce sont des choses sur lesquelles nous pouvons nous baser".
Lire aussi : Poutine dit vouloir "rétablir des relations complètes" avec les Etats-UnisAvant de monter dans l'avion, le haut diplomate américain a ainsi mis en avant les dossiers sur lesquels Moscou et Washington pourraient avancer ensemble, notamment le conflit syrien qui a fait plus de 370.000 morts depuis 2011, poussé à la fuite des millions de personnes et morcelé le pays.
Selon lui, les deux pays ont désormais "une idée commune des points de blocage" du règlement politique et peuvent "travailler ensemble sur la manière de le débloquer".
Le Kremlin n'a évoqué de son côté aucun accord concret, indiquant simplement que le conflit syrien avait été évoqué entre les deux hommes.
Mike Pompeo a également souligné que Moscou et Washington avaient les "mêmes objectifs" sur le dossier nucléaire nord-coréen, bien que la rencontre chaleureuse entre Vladimir Poutine et Kim Jong Un fin avril ait contrasté avec le fiasco du sommet de Hanoï avec Donald Trump en février.
- Ingérences "inacceptables" -
Du Venezuela aux traités de désarmement, la liste des désaccords reste très longue entre les deux puissances rivales et aucune percée n'a été annoncée mardi. Mais la Maison Blanche espère que la fin de l'enquête du procureur spécial Robert Mueller, qui a conclu il y a moins de deux mois à une ingérence russe dans la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis mais pas à une collusion entre l'équipe du candidat Trump et la Russie, permette de tourner la page de relations glaciales.
Le sujet, qui a empoisonné la première partie du mandat de Donald Trump et entravé sa promesse de campagne de rapprochement avec le Kremlin, a néanmoins donné lieu à une passe d'armes entre Mike Pompeo et Sergueï Lavrov.
"Les ingérences dans les élections américaines sont inacceptables", a martelé Mike Pompeo, qui avait estimé fin avril que Moscou continuerait de s'ingérer aux Etats-Unis pendant des décennies.
Si la Russie interférait dans la présidentielle américaine de 2020, "cela aggraverait encore notre relation, nous ne le tolèrerions pas", a averti le secrétaire d'Etat, demandant à Moscou de "démontrer que ce type d'activités appartient au passé".
"Les faits montrent que ceux qui montent ce sujet en épingle n'ont pas de preuves", a sèchement répliqué Sergueï Lavrov.
- Rendez-vous au Japon? -
Vladimir Poutine a choisi de se concentrer sur les bonnes nouvelles. Il a salué une enquête "assez objective" car ayant conclu à l'absence de collusion, sans mentionner le fait que le rapport a établi une ingérence en 2016, ce que la Russie a toujours démenti.
Pendant la suite de la rencontre, à huis clos, le sujet "n'a pas été abordé", pas plus que l'autre point de tensions de ces dernières semaines, le Venezuela, selon le conseiller du Kremlin Iouri Ouchakov à son issue, qualifiant l'entretien de "pas mauvais".
Retenant la volonté des deux parties d'"assainir les relations", il a précisé que Mike Pompeo avait évoqué l'intérêt de Donald Trump pour un entretien en marge du sommet du G20 fin juin au Japon: "Nous sommes prêts à tout contact".
Si Mike Pompeo semble avoir évité certains sujets qui fâchent avec Vladimir Poutine, il s'est notamment opposé avec Sergueï Lavrov sur la crise politique vénézuélienne, M. Pompeo demandant à la Russie de cesser de soutenir le président vénézuélien Nicolas Maduro.
"La démocratie ne s'établit pas par la force", a répliqué M. Lavrov.
Avec AFP