Entré en jeu à 25 minutes de la fin du match, Juwara a égalisé à la 74e minute à San Siro. Selon un adjoint de Sinisa Mihajlovic, l'entraîneur serbe aurait prédit le but à venir. "On fait entrer Juwara. Avec le bazar qu'il va mettre, tu vas voir qu'il va marquer."
Quelques minutes après le but égalisateur de Juwara, celui du 2-1 et de la victoire de Bologne sur le terrain du 3e de Serie A était inscrit par un autre jeune Gambien, un autre Musa, Barrow.
"Je dédie ce but à ma famille et à tous ceux qui m'ont aidé tout au long de mon parcours", a déclaré Juwara après le match.
- Recueilli par une ONG -
Des gens qui l'ont aidé, il y en a eu. Mais le jeune attaquant a aussi su se débrouiller seul au long d'un parcours raconté depuis dimanche par tous les médias italiens et qui l'a conduit en sept mois de la Gambie jusqu'à Messine, en Sicile, via le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Libye.
Derrière lui, Juwara, alors âgé de 14 ans, laisse sa mère et son grand-père, qui l'a élevé. Recueilli avec 500 autres migrants par le navire d'une ONG allemande après sept mois de périple, il confesse une dernière peur au moment de débarquer, en juin 2016: "Je ne sais pas nager".
Lire aussi : Football: sur les traces d'Ansu Fati, de Bissau au BarçaEn Italie, il est accueilli par un couple qui l'aidera dans les difficiles démarches pour obtenir une licence de joueur, que la fédération ne délivre alors pas aux mineurs non accompagnés.
Alors qu'il n'a pourtant suivi aucune formation de footballeur en Gambie, il parvient tout de même à signer au Chievo Vérone en 2017. Et, rapidement, brille dans les catégories de jeunes. Fan de Eden Hazard, le Gambien fait même des essais à l'Inter Milan et à la Juventus, où il s'émerveille de rencontrer le Ballon d'Or Pavel Nedved.
Mais les deux géants ne donnent pas suite et, à l'été 2019, il rejoint Bologne où Mihajlovic l'a repéré. En Emilie-Romagne, le jeune Juwara retrouve le chemin des filets: 11 buts en 16 rencontres de Primavera, le championnat des équipes de jeunes, des performances qui lui valent rapidement d'être retenu en équipe première.
- En trottinette -
Avec son salaire de 3000 euros par mois et ses arrivées au centre d'entraînement en trottinette, Juwara est encore loin de la vie normale des professionnels du calcio.
Mais il a intégré la rotation, pour des bouts de matches, pour l'instant: quatre minutes face à l'AS Rome, 11 contre le Genoa et huit contre l'Udinese avant l'interruption ; huit à nouveau lors de la réception de la Juventus pour la reprise du championnat. Et 25, donc, contre l'Inter, avec ce premier but libérateur.
Lire aussi : La pépite de Barcelone Ansu Fati obtient la nationalité espagnole"Je remercie tellement le coach de m'avoir fait confiance contre l'Inter, je suis si heureux d'avoir marqué mon premier but", a-t-il réagi. "C'est un rêve devenu réalité pour moi, je m'en souviendrai pour le restant de mes jours", a-t-il continué.
"Je suis très heureux pour l'autre Musa", a d'ailleurs réagi Musa Barrow, l'autre buteur de dimanche. "Après le match, je lui ai demandé son maillot, parce qu'il a été vraiment bon".
La route a été longue, très longue, depuis son enfance en Gambie. Mais le parcours de Juwara n'en est peut-être encore qu'à ses débuts.
Bologne ne demanderait d'ailleurs pas mieux. Neuvième, le club d'Emilie-Romagne n'est pas si loin - cinq points - de l'AC Milan et de la 7e place, qualificative pour la Ligue Europa.
Le jeune Juwara, qui a traversé l'Afrique et la Méditerranée pour rejoindre le Vieux continent, pourrait-il offrir à son club une fin de saison en boulet de canon pour arracher une qualification pour la Ligue Europa ? L'histoire serait belle. Elle l'est déjà.