Eswatini: manifestations interdites, médiation africaine en marche

Des manifestants se sont rassemblés contre les brutalités policières à Manzini, Eswatini, un pays secoué par une vague de manifestations pro-démocratie, le 19 octobre 2021. (Photo/AFP)

Des médiateurs africains sont arrivés jeudi en Eswatini, monarchie d'Afrique, secouée par des manifestations anti-régime au cours desquelles deux personnes ont été tuées et quatre-vingt autres blessées la veille. De son côté, le gouvernement a interdit les contestations.

"Les images arrivant d'Eswatini sont très perturbantes, et nous pouvons constater que la température politique est très élevée effectivement", a déclaré Jeff Radebe, chef de l'équipe des médiateurs envoyée par la SADC (Communauté de développement d'Afrique australe), sur une chaîne sud-africaine.

M. Radebe a souligné que les problèmes du royaume étaient "très complexes" et que son équipe de médiateurs était arrivée "avec un esprit ouvert, faisant en sorte d'entendre tous les points de vue" afin d'aboutir à "une solution durable".

Interdiction de manifestations

Au moment où des médiateurs africains sont arrivés en Eswatini, secoué par une vague de mouvements de protestation contre le régime, le gouvernement da interdit jeudi les manifestations.

"En raison d'une série de violences au cours des manifestations, j'ai donné l'ordre à toutes les municipalités d'arrêter de donner des autorisations pour organiser des manifestations", a déclaré au cours d'une conférence de presse le ministre des Travaux publics, le prince Simelane Dlamini.

Plusieurs fonctionnaires ont rejoint ces protestations Les employés des chemins de fer ont participé jeudi à de nouvelles manifestations.

Un manifestant blessé mercredi par des tirs des forces de sécurité a succombé à ses blessures à l'hôpital, selon des syndicats, portant à deux le nombre des personnes tuées pendant les manifestations dans ce pays le même jour.

Au moins trente soignants sont actuellement traités pour des blessures par balles, a de son côté déclaré le syndicat des soignants.

Le syndicat du personnel soignant a dit jeudi dans un communiqué que des infirmiers et d'autres salariés qui convergeaient mercredi pendant une manifestation à Mbabane, la capitale, avaient "été confrontés à une démonstration de force sans précédent de la police et de l'armée".

"Ils ont été brutalement dispersés et éparpillés à travers la capitale. Alors qu'ils étaient en train de courir, ils ont été visés par des tirs à balles réelles", a ajouté la même source.

Les 30 soignants font partie des 80 personnes blessées mercredi dans des manifestations contre le régime qui se sont propagées en Eswatini, qui s'appelait autrefois le Swaziland.

Quatre personnes ont été transférées en chirurgie pour des blessures par balles et une trentaine de soignants ont été traités pour leurs blessures, poursuit le syndicat des infirmières.

L'accès à internet reste limité dans le pays et l'accès à Facebook est impossible depuis deux jours, rendant difficile la collecte d'informations sur la situation dans le pays.

Le parti communiste du Swaziland a comparé la situation dans le plus grand hôpital à Mbabane, la capitale, à une "zone de guerre".

Il y avait des "traînées de sang sur le sol de l'hôpital", a ajouté le parti, affirmant que la police "avait envahi" l'établissement, en tirant même sur des infirmiers qui s'occupaient des blessés, aggravant la situation".

Des policiers et des soldats lourdement armés s'étaient déployés en masse mercredi à Mbabane et Manzini.

Depuis plusieurs semaines, ce pays enclavé d'Afrique australe et dernière monarchie du continent est secoué par une vague de protestations pour réclamer la démocratie.

Les violences de mercredi ont commencé vers 05H00 GMT, selon les témoins.

Des gaz lacrymogènes ont été tirés à l'intérieur d'un bus transportant des manifestants. Des images montrant des personnes sautant des fenêtres d'un bus enveloppé de fumée lacrymogène blanche ont circulé sur les réseaux sociaux.

Internet a été coupé dans le pays vers midi. A Mbabane, un lycée a été incendié.

Dans ce contexte, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a eu un entretien téléphonique avec le roi Mswati III mercredi matin, a indiqué une source officielle de Pretoria dans un communiqué.

M. Ramaphosa, qui préside actuellement l'organe de sécurité de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), avait annoncé qu'il dépêcherait un émissaire en Eswatini pour s'entretenir avec le roi jeudi après-midi.

Une précédente vague de manifestations pro-démocratie en juin, organisées par la société civile et l'opposition en Eswatini, avait fait au moins 28 morts.

Dans cette monarchie, le roi nomme les ministres, contrôle le Parlement et les partis politiques sont interdits depuis près de 50 ans.

Couronné en 1986 à l'âge de 18 ans, le souverain qui a 15 épouses et plus de 25 enfants, est décrié pour sa poigne de fer et son train de vie fastueux dans un pays dont les deux tiers de la population vivent sous le seuil de pauvreté.