Il s'agit des derniers épisodes en date dans les violences qui secouent depuis trois mois ce pays, le plus pauvre d'Amérique centrale, et qui ont au total fait au moins 282 morts et quelque 2.000 blessés.
Six civils, dont deux mineurs, et quatre policiers ont trouvé la mort dimanche dans les opérations des forces de police et paramilitaires à Masaya, une ville rebelle assiégée, située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Managua, et dans ses environs, selon un bilan provisoire de l'Association nicaraguayenne des droits de l'homme (ANPDH). Les localités de Niquinohomo, Catarina, Diria, Diriomo ont notamment été visées.
Des habitants ont raconté que ces détachements avaient fait usage de pelleteuses aux premières heures du jour pour y détruire des barricades, attaquant leurs défenseurs.
"Ils vont détruire (la cité de) Masaya, elle est totalement encerclée", a dit à l'AFP Vilma Nunez, la présidente du Centre nicaraguayen pour les droits de l'homme (Cenidh).
"Nous sommes attaqués par la police nationale et des auxiliaires de la police armés d'AK-47 et de mitrailleuses dans notre quartier de Monimbo", dans le sud du département de Masaya, a, quant à lui, déclaré Alvaro Gomez, un habitant. "Nous résistons avec des bombes artisanales et des pierres", a-t-il ajouté.
"La situation est grave", "Nous devons ouvrir un couloir (humanitaire) pour évacuer les blessés", a pour sa part affirmé Alvaro Leiva, le secrétaire de l'Association nicaraguayenne des droits de l'homme.
"Intercepté par des paramilitaires"
Par ailleurs, des paramilitaires ont ouvert le feu sur le véhicule à bord duquel se trouvait Mgr Abelardo Mata, un évêque nicaraguayen qui se dirigeait vers Masaya, ont déclaré des responsables de l'Eglise catholique, selon lesquels il est sain et sauf.
Mgr Mata, très critique envers le gouvernement de Daniel Ortega, est l'un des cinq dignitaires de l'Eglise qui assurent une médiation entre le gouvernement et l'opposition au Nicaragua.
Il "a été intercepté par des paramilitaires qui ont saccagé sa voiture, ont brisé les vitres et ont voulu la brûler", a affirmé l'assistant de l'évêque, Roberto Petray.
L'archevêque de Managua, le cardinal Leopoldo Brenes, a également dénoncé une incursion des forces gouvernementales dans le presbytère de Catarua, et demandé au gouvernement de "respecter" les édifices religieux et de "cesser les attaques contre la population".
Le secrétaire de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), Paulo Abrao, a déclaré de son côté sur Twitter qu'il avait eu connaissance de la "violente répression de la population de Masaya. L'Etat semble ignorer le dialogue" avec l'opposition.
Avant les attaques, plusieurs organisations de la société civile avaient quitté Managua pour se rendre à Masaya dans une "caravane de la solidarité" mais ont fait demi-tour dix kilomètres avant d'arriver en raison de la présence de paramilitaires, a affirmé le leader étudiant Lesther Aleman.
De son côté, le site internet officiel El 19 Digital a qualifié de "territoires libérés des barrages" érigés par les rebelles, les villes où les forces gouvernementales ont mené ladite "opération de nettoyage".
Masaya, la ville la plus rebelle du Nicaragua, est l'épicentre du mouvement de protestation, dont les étudiants sont le fer de lance, lancé le 18 avril contre le gouvernement du président Daniel Ortega.
Celui-ci, âgé de 72 ans et à la tête de son pays depuis 2007, après l'avoir déjà dirigé de 1979 à 1990, est accusé d'avoir durement réprimé les manifestations et mis en place avec son épouse Rosario Murillo, qui occupe les fonctions de vice-présidente, une "dictature" marquée par la corruption et le népotisme. Ses adversaires demandent des élections anticipées ou son départ.
Dans la nuit de vendredi à samedi, deux jeunes avaient été tués durant une violente attaque menée par les forces pro-gouvernementales contre une église de Managua, où quelque 200 étudiants s'étaient retranchés.
"Nous avons été témoins du manque de volonté politique du gouvernement pour dialoguer sincèrement et rechercher des processus concrets qui nous conduiraient vers une vraie démocratie", ont affirmé samedi les évêques catholiques dans un communiqué.
Avec AFP