"Nous sommes tout à fait ouverts à un dialogue pour ne pas mener le pays au chaos, mais il y a un préalable", a souligné à l'AFP Amadou Boubacar Cissé, l'un des vice-présidents de la Coalition de l'opposition pour l'alternance.
"C'est que l'ensemble des membres de l'opposition actuellement en prison puissent être libérés. Il faut aussi évidemment régler définitivement la situation judiciaire de Hama (Amadou) et que le président, en gage de bonne foi, montre qu'il est déterminé à arrêter ce harcèlement continu de l'opposition", a-t-il expliqué lors d'une visite à Paris, alors que l'opposition réclame de nouvelles élections.
Plusieurs opposants ont été arrêtés ces derniers mois, certains accusés d'avoir participé à un putsch raté en décembre - dont l'opposition conteste la véracité -, d'autres pour des appels à la désobéissance civile.
Ancien Premier ministre et ex-président du Parlement, Hama Amadou a été battu par le président sortant Issoufou au second tour de la présidentielle du 20 mars.
L'opposition avait appelé au boycott de l'élection et ne reconnaît pas les résultats du scrutin que M. Issoufou a emporté avec plus de 92% des voix.
L'opposant, âgé de 66 ans, n'avait pu s'exprimer publiquement pendant la campagne électorale. Il était détenu depuis son retour d'exil en novembre dans la prison de Filingué (à 180 km au nord de Niamey) dans le cadre d'une affaire de trafic international de bébés.
La Cour d'appel de Niamey "vient d'ordonner la (remise en) liberté provisoire du candidat Hama Amadou. Il est libre à partir d'aujourd'hui", a affirmé mardi à la presse Me Mossi Boubacar, un des avocats de Hama Amadou.
M. Issoufou, qui estime que le peuple s'est "exprimé sans équivoque" lors d'élections qualifiées par son camp de "transparentes et crédibles", a proposé à l'opposition d'intégrer un gouvernement d'union nationale. Mais celle-ci, après un mutisme de plusieurs jours, a posé mardi ses conditions pour un dialogue.
Pas de strapontin
"La question pour nous n'est pas de participer à un gouvernement d'union nationale pour occuper des strapontins mais (...) pour remettre la démocratie sur les rails", a ajouté M. Cissé.
Quant à M. Amadou, il devait pouvoir quitter l'Hôpital américain de Paris mardi ou mercredi, a indiqué à l'AFP son médecin, le Dr Luc Karsenty. Malade, sans que les causes de sa maladie aient été rendues publiques, il avait été évacué le 16 mars vers la France pour y être soigné.
La liberté provisoire accordée par la justice nigérienne, qui avait auparavant refusé à plusieurs reprises la libération de l'opposant, survient moins d'une semaine après une autre décision également favorable à M. Amadou, dans le trafic présumé de bébés pour lequel il est poursuivi. La Cour de cassation a confirmé le 23 mars que la justice civile devait trancher la "filiation" de la trentaine d'enfants concernés par ce trafic avant un éventuel procès pénal.
L'affaire empoisonne le climat politique nigérien depuis deux ans. L'opposant a toujours affirmé qu'il s'agissait d'un montage politique pour l'empêcher d'être élu président. Le pouvoir parle de "dossier de droit commun".
M. Amadou, qui avait précipitamment quitté le pays fin août 2014 afin d'échapper à la procédure, a été écroué à son retour d'exil le 14 novembre 2015.
Une vingtaine de personnes - dont M. Amadou, un ex-ministre, des banquiers, des hommes d'affaires, un officier de l'armée, ainsi que leurs épouses -sont accusées d'avoir participé à un trafic de bébés qui auraient été conçus au Nigeria puis amenés au Niger via le Bénin.
Elles sont poursuivies pour "supposition d'enfants", un délit consistant à attribuer la maternité d'un enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde.
Les suspects ont été placés en détention, avant de bénéficier d'une liberté conditionnelle.
Avec AFP