Nigeria: Boko Haram chassé d'un de ses derniers fiefs, mais la guerre continue

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La reconquête de la forêt de Sambisa, un des derniers fiefs de Boko Haram, représente - si elle est confirmée - une victoire majeure pour l'armée nigériane, mais risque aussi de déplacer les combats contre des jihadistes extrêmement mobiles vers d'autres champs de bataille.

Après sept années de conflit dévastateur dans le nord-est du Nigeria, les experts estiment que la guerre est loin d'être finie, contrairement aux affirmations répétées du gouvernement et de l'armée.

A la veille de Noël, le président nigérian Muhammadu Buhari avait annoncé triomphalement "l'écrasement final des terroristes de Boko Haram dans leur dernière enclave" de Sambisa, forêt de quelque 1.300 km2 où s'étaient rassemblés de nombreux combattants après des revers militaires.

L'insaisissable chef du mouvement, Abubakar Shekau, a répondu jeudi par une nouvelle provocation. "Nous n'avons été chassés de nulle part", a-t-il affirmé dans une vidéo, promettant de continuer à se battre jusqu'à l'instauration d'un "califat islamique".

La chasse à l'homme pourrait se prolonger encore longtemps, alors que personne ne se sait où sont passés Shekau et ses principaux lieutenants.

Plusieurs sources contactées par l'AFP ont fait état de mouvements accrus de combattants ces derniers jours aux abords de la forêt de Sambisa, mais aussi en direction du lac Tchad et de villages frontaliers du Cameroun.

Selon un membre de comité de vigilance citoyen engagé aux côtés de l'armée, de "nombreux jihadistes ont été aperçus" dans la région de Kala-Balge, qui abrite plusieurs forêts à la frontière avec le Cameroun.

Les insurgés se déplacent également sur le lac Tchad "pour échapper aux offensives militaires" en cours, selon Abubakar Gamandi, responsable du syndicat des pêcheurs de l'État du Borno, épicentre du conflit qui a fait plus de 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés depuis 2009.

Le lac Tchad, à cheval sur le Nigeria, le Niger, le Tchad et le Cameroun, est un sanctuaire idéal avec ses centaines d'îlots camouflés sous une végétation dense, qui protège les combattants des frappes aériennes et entrave le déploiement de l'armée au sol.

C'est d'ailleurs dans ce labyrinthe lacustre que se sont retranchés les hommes d'Abou Mosab Al Barnaoui, leader d'une faction rivale de Boko Haram adoubé par le groupe Etat islamique (EI) en août.

Mort ou vif

"La pression sur Sambisa force un certain redéploiement pour Boko Haram mais l'organisation possède de nombreuses zones de repli limitrophes", analyse Yan St-Pierre, directeur du Modern Security Consulting Group. "Un des avantages de Boko Haram a toujours été sa mobilité".

En outre, "Shekau dispose encore de solides appuis dans la région, Boko Haram ayant forgé un vaste réseau lui permettant de demeurer une menace", estime le consultant spécialisé dans les questions terroristes.

Le fait que Shekau ait pu s'enfuir de la forêt de Sambisa alors qu'il était assiégé par les troupes nigérianes depuis le 9 décembre reste "un mystère", reconnaît une source militaire nigériane déployée dans le nord-est.

"Il pourrait s'être échappé pendant les combats qui ont permis de reprendre le camp Zéro", dernier bastion de Boko Haram situé au coeur de la forêt, estime cette source.

Shekau aurait par la suite été repéré dans un village près de Gwoza, près du Cameroun, avant de rejoindre une forêt du district de Kala-Balge un peu plus au nord, selon une source locale qui a requis l'anonymat.

"Nous approchons de Shekau et de ses commandants", veut croire un officier nigérian, dont les hommes sont déployés dans la zone. "C'est juste une question de temps avant que nous l'attrapions, mort ou vif".

Les forces camerounaises engagées dans la Force multinationale mixte (FMM) contre Boko Haram, ont parallèlement lancé une "opération d'envergure" dans plusieurs localités nigérianes voisines, afin d'empêcher les insurgés de traverser la frontière, d'après une source militaire camerounaise et des témoignages d'habitants.

"La collaboration entre les pays de la FMM s'est fortement améliorée depuis septembre, particulièrement au niveau des communications opérationnelles", relève Yan St-Pierre.

Toutefois, "le plus grand problème de l'armée est de sécuriser les zones qu'elle reprend à Boko Haram", comme en témoignent les attentats-suicides et les attaques de convois marchands ou militaires qui se poursuivent dans des zones que les militaires affirment contrôler, poursuit le spécialiste.

Malgré les nombreuses déclarations officielles promettant la fin imminente de Boko Haram, pour Yan St-Pierre, le conflit se déplace sans cesse et "l'armée est encore loin d'avoir le dessus".
Avec AFP